Expulsée d’Israël, la Française mariée et enceinte d’un Palestinien rétablit la vérité
On résume l'histoire pour celles et ceux qui ne sont pas encore au courant. Salah Hamouri et son épouse Elsa Lefort, deux citoyens français qui vivent à Jérusalem, viennent passer les fêtes de fin d'année en France. Salah retourne chez lui le 4 janvier. Il appelle sa femme pour lui dire qu'il est bien arrivé. Sa femme, Elsa, prend un avion pour Tel Aviv le lendemain.
Une fois arrivée à l'aéroport Ben Gourion, elle est mise de côté. Puis emmenée dans un centre de rétention. 48h dans des conditions horribles… surtout qu'Elsa est enceinte de plus de 6 mois ! Expulsée manu militari d'Israël vers la France où elle se trouve toujours en ce moment, Elsa ne peut donc pas retourner à Jérusalem auprès de l'homme qu'elle aime.
Ignorée par les "grands médias", une dépêche AFP finit par être publiée hier. Un article jugé partial par Elsa Lefort qui a décidé de rétablir la vérité.
"Depuis quelques jours, l’épisode de mon expulsion d’Israël est médiatisé. J’ai pu lire de nombreux articles à ce sujet, contenant des informations plus ou moins exactes. Je m’étonne toutefois que la grande majorité des journalistes n’ait pas cru bon contacter la principale intéressée afin de croiser leurs sources, règle éthique primordiale, me semble-t-il, en journalisme. En effet, je n’ai été contactée que par une minorité d’entre eux.
Le journaliste de l’AFP, dont la dépêche est, comme souvent, reprise par de nombreux médias, n’a pas fait cet effort, se contentant de citer le texte de la pétition réalisée en ma faveur, mais laissant tout loisir au porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien de s’exprimer, ne m’offrant ainsi aucun droit de réponse et allant même jusqu’à prendre pour vérité absolue les affirmations mensongères de ce dernier !
Si l’AFP et d’autres journalistes m’avaient contactée, j’aurais pu leur parler de mes deux jours et deux nuits en détention dans des conditions plus que précaires dont ils n’ont pas fait mention dans leurs articles. J’aurais pu également leur décrire la procédure qui permet d’obtenir un « visa de service ». La demande est faite par l’employeur directement auprès du MAE israélien, et c’est ce même employeur qui récupère le visa une fois accordé. A aucun moment je n’ai donc menti au ministère des Affaires étrangères israélien, puisqu’à aucun moment je n’ai été en contact avec lui.
Cette demande de « visa de service » a donc été faite par le consulat général de France à Jérusalem directement auprès du ministère des affaires étrangères israélien qui l’a accordé en octobre 2015, ce visa étant valable un an. Le consulat français étant bien évidemment au courant des difficultés administratives que je rencontrais depuis plus d’un an m’empêchant de circuler librement ; il était au courant du rejet de ma demande de « visa épouse », mais également de l’appel que j’avais déposé contre cette décision, comme le prévoit la loi israélienne. Cet appel étant suspensif, j’étais tout à fait en règle au regard des autorités et des lois israéliennes depuis octobre 2015 et donc en janvier 2016, à la date de mon expulsion.
Les autorités israéliennes qui m’ont délivré mon « visa de service » en octobre 2015 ne pouvaient pas ignorer mon statut marital, puisque toutes les démarches ont été faites de façon correcte, avec le même passeport qui est utilisé lors de mes démarches de demande de visa d’épouse.
Par ailleurs, les accusations de « dangerosité » et même de « terrorisme » qui me sont imputées sont tout bonnement diffamatoires et quiconque lit le jugement du tribunal ayant rejeté mes appels lors de ma détention, comprend aisément que le dossier est totalement vide. Mais là encore, il eût fallu que les journalistes se renseignent et se plongent dans une lecture approfondie de ce jugement.
Comment la titulaire d’un visa délivré en octobre 2015 par les autorités israéliennes qui disposent d’un des meilleurs services de renseignements au monde, se révèle être une « dangereuse terroriste » quelques mois plus tard ?
Le lieu de naissance de notre enfant n’est pas anodin, compte tenu du statut très spécifique des Palestiniens de Jérusalem-Est, statut que possède Salah, mon époux. Si notre enfant ne peut pas naître comme prévu à Jérusalem, il n’aura pas le même statut que son père et pourra à son tour, être empêché d’entrer dans son pays. Il pourra même être placé en détention en attendant son expulsion puisqu’une cellule dite « familiale » existe dans ce centre de détention…
Chaque année, des centaines de familles, dont l’un des parents est Jérusalémite, se voient ainsi séparées.
Une fois encore, il est possible aux journalistes de se renseigner sur le sujet en consultant le rapport sur l’impact des politiques israéliennes sur les enfants Jérusalémites, réalisé par l’ONG Society of Saint Yves
Bien entendu, et comme le sérieux journal l’Humanité l’a précisé, ma détention-expulsion ne découle pas d’un banal différend administratif mais bel et bien d’un choix politique délibéré ayant pour but de m’éloigner de Jérusalem et de mon époux, au moment même où n’importe quel couple souffrirait d’un tel éloignement forcé aux derniers mois d’une grossesse et juste avant la naissance d’un premier enfant"
Nadir Dendoune