IPJ : « Les derniers attentats ont bouleversé notre façon d’enseigner le journalisme »

 IPJ : « Les derniers attentats ont bouleversé notre façon d’enseigner le journalisme »


Fin mars 2016, Le Courrier de l’Atlas a été convié par l’Institut Pratique du Journalisme de Paris-Dauphine (IPJ) dans le cadre d’échanges entre professionnels du secteur en matière de couverture de la lutte antiterroriste. C’est une institution en profonde mutation dont nous avons rencontré les cadres dirigeants. Reportage.  




 


Situé rue Saint Georges, dans le 9ème arrondissement de Paris, le bâtiment abritant le prestigieux Institut Pratique du Journalisme de Paris-Dauphine paraît modeste à première vue. A l’intérieur, l’endroit grouille de jeunes aspirants journalistes où des salles ont été aménagées pour créer un mimétisme avec des rédactions et des studios d’enregistrement.


Pascal Guénée, le directeur de l’IPJ est un homme pas peu fier de l’établissement qu’il dirige depuis plusieurs années. Réputé extrêmement sélectif (quelques dizaines de diplômés par promotion seulement), l’IPJ revendique le statut de « meilleur institut de presse de France », celui en tout cas où l’élite du journalisme fait ses classes puis trouve systématiquement preneur auprès des plus grands médias nationaux et internationaux.


L’homme reconnait qu’il est difficile de dresser un état des lieux de la profession si l’on considère la nouvelle donne du web journalisme, encore peu réglementé. Mais s’agissant de ce qui quantifiable en France, « on sait qu’environ 1800 nouvelles cartes de presse sont délivrées chaque année », et que ce chiffre comprend « environ 300 cartes pour les diplômés des grandes écoles de journalisme ».


Concernant l’évolution du revenu mensuel médian des journalistes, il s’élève à 3448 euros pour les journalistes en contrat à durée indéterminée (CDI), 2000 euros pour les journalistes en contrat à durée déterminée, et 1959 euros pour les pigistes. « Autant dire qu’on ne choisit pas ce métier pour l’aspect lucratif », ironise Pascal Guénée.


La grande majorité, soit 81% des journalistes en France étaient en CDI en 2003, contre 78% en 2013. Seulement 1% étaient en CDD en 2003 contre 3% en 2013, tandis que les pigistes représentaient 18% des effectifs, contre 19% aujourd’hui.


 


Réformer à l’abri des passions   


En passant à l'impact des attentats de Paris sur le cursus de formation, Guénée prend à témoin trois de ses proches collaborateurs. Parmi eux Eric Nahon, directeur adjoint de l’IPJ. Ce dernier évoque d’emblée les attaques du 13 Novembre à Paris : « C’était une couverture d’actu grandeur nature… mais je pense que mes élèves n’ont pas réalisé l’ampleur et la nature de ce qui se passait », regrette-t-il.


« Des tirs à la Kalashnikov dans Paris, c’était du jamais vu, cela revenait à couvrir un véritable champ de bataille, une guerre ! Un stagiaire d’I-Télé a voulu partir immédiatement. Avec le recul nous nous sommes dits ici que nous n’aurions pas dû le laisser partir », poursuit-il. Les enseignants et formateurs expliquent que passée l’excitation voire l’euphorie des trois premiers jours (certains n’ont pas dormi et repartaient couvrir l’actu dans le 11ème arrondissement), « plusieurs étudiants ont été victime de ce qui s’apparente à un syndrome post traumatique ».


La promotion 2015 – 2016 restera atypique, « aussi héroïque que profondément affectée », explique l’équipe de l’IPJ, marquée à jamais par cette épreuve. « Il y avait certes eu Charlie, mais nous n’avions pas compris alors que nous entrions dans une nouvelle ère », conclut Pascal Guénée, pensif. « Je suis fier d’eux car malgré leur jeune âge, la plupart n’ont pas cédé à la tentation xénophobe consistant à dire que finalement les discours de haine avait raison… », renchérit Nahon.


Sécurité, prise de risque, modération du discours… A l’aune d’évènements charnières que l’on appelle outre-Atlantique « transformational events », les cursus et programmes sont en passe d’intégrer la nouvelle donne de « l’hyper terrorisme » et de s’y adapter. Une tâche complexe qui n’en est qu’à ses débuts.


 


Seif Soudani