« Il y a toujours un lendemain », du cœur à l’ouvrage

 « Il y a toujours un lendemain », du cœur à l’ouvrage

« Il y a toujours un lendemain »


Ni une leçon, ni un exemple, ce livre est un pied-de-nez, ou doigt d’honneur c’est selon, de La Rumeur aux déterminismes de leur enfance, au système judiciaire, au système tout court et, au passage, à l’industrie musicale. « Il y a toujours un lendemain », paru aux éditions de l’Observatoire, est un livre de La Rumeur, par La Rumeur.


A tour de rôle, et parfois en écho, Hamé et Ekoué se racontent. Ils reviennent sur leur enfance, leur famille, l’entrée du rap dans leur vie, puis leur rencontre, et leur parcours musical, unique en son genre, en France. Hamé est un « enfant de l’Histoire », petit-fils de berger algérien, fils d’un homme « poussé à l’exil par l’exigence de survie », lui-même « homme de peu de paroles » pour qui « rester en dehors du radar des autres » est un credo. Avec sa famille, Hamé vit au départ dans un hangar, où « l’odeur de terre humide, de fuel, est permanente », dans la région de Perpignan.


Ekoué, lui, vient de Villiers-le-Bel, « point de chute des Togolais », son père est arrivé en France en 1960, il a également « les mots pingres ». Il vit dans un petit appartement où « la solitude n’existe pas ». Tous deux sont des « enfants de la déchirure », avec l’Afrique dans leur « bagage spirituel ».



Marionnettiste des mots 



Les deux « Alphas dogs » du groupe évoquent leur rapport à la musique lorsqu’ils sont enfant, la découverte des mots puis du rap, « l’identification est immédiate ». Petit, Hamé est frappé par les textes de Prévert, la « danse avec les mots », il nourrit le fantasme d’être « le marionnettiste des mots ». Ekoué, lui, se souvient de la façon dont « la musique entre comme un torrent (…). C’est la vie qui s’engouffre chez nous ». Il y a aussi la frustration de ne pas pouvoir continuer les cours de tennis, de ne pas aller au ski : « Sélection sociale. Talent gâché. Le rap va absorber tout ça ». « L’écriture compense. Elle cicatrise », écrit Ekoué.



« Le chemin de la banque est secondaire »



Il y a aussi évidemment tout ce qui fait que la Rumeur est un groupe de rap hors catégorie en France. D’abord la politique, très tôt chez Ekoué : « l’immigration post-coloniale est un moteur de création », mais aussi les études que Hamé ne lâchera jamais et que Ekoué reprendra plus tard. Et surtout le souci de garder sa liberté « le chemin de la banque est secondaire »



Le visage de Pigalle



La Rumeur, c’est aussi un procès pour diffamation envers la police, à l’initiative du premier flic de France de l’époque, Nicolas Sarkozy. Deux appels et deux cassations… pour « finalement rien du tout ». Et enfin, plus tard et aujourd’hui, le cinéma. Hamé et Ekoué ont réalisé un long-métrage intitulé « Les derniers Parisiens » qui filme le visage de Pigalle. A venir, bientôt, « un autre film de fiction » et des documentaires. Les rappeurs sont devenus des cinéastes. Qu’importe, ils restent La Rumeur.


Chloé Juhel