François Fillon sur la migration : des propositions de qui montrent bien loin de la réalité du terrain
Après la série de naufrages qui ont coûté la vie à des centaines de réfugiés, l'ancien Premier ministre François Fillon a déclaré que l'Europe n'était « en rien responsable » des nombreux drames en Méditerranée. Sur Canal+, il a formulé plusieurs propositions, sans prendre conscience qu’un certain nombre ne sont plus applicables en raison de la dégradation de la sécurité en Libye.
L’Europe pas responsable
François Fillon ne comprend pas pourquoi l’Europe est la seule montrée du doigt après la succession de naufrages survenus en Méditerranée, qui ont provoqué la mort de plus de 1750 migrants depuis le début de l’année, selon l’OIM. « J'en ai assez qu'on accuse l'Europe d'être responsable de cette situation qu'elle subit », a déclaré le responsable UMP dans l'émission « Le Supplément » sur Canal+. « Les Européens ne sont en rien à l'origine de la situation à laquelle ils doivent faire face. »
L’ancien locataire de Matignon a pointé pêle-mêle la guerre en Syrie, le « totalitarisme islamique », et des « gouvernements incapables sur une grande partie de l'Afrique » comme coupables de la situation. Mais, « il y a un problème humanitaire qu'il faut régler », a admis le député de Paris.
Fillon en appelle à des consulats… qui n’existent plus
Il propose pour cela d’« installer des antennes de nos consulats en Libye pour traiter les vrais réfugiés », ceux qui sont « menacés dans leur pays et qui ont droit à l'asile. » Pour François Fillon, les demandes d’asile doivent donc être traitées sur place, et il faut pour cela « mettre en place des camps de réfugiés en Libye sous le contrôle des Nations unies ».
Problème, deux gouvernements revendiquent le pouvoir en Libye et ne contrôlent chacun qu’une petite portion du pays. Dans le reste de la Libye, des bandes armées s’affrontent pour le contrôle des territoires et des trafics, notamment de migrants. Une situation qui résulte du soulèvement libyen contre le régime de Kadhafi, puis de l’intervention militaire de l’OTAN en 2011, à l’issue de laquelle le pays a sombré dans le chaos.
Une situation sécuritaire incontrôlable au point que « la représentation diplomatique (française) a quitté la Libye en juillet 2014 », de même que l’ONU, a commenté sur sa page Facebook Martine Vautrin Jedidi, élue à l’Assemblée des Français de l’étranger pour la circonscription Tunisie-Libye. Elle rappelle d’ailleurs que des camps ont existé dans le sud tunisien pour accueillir les réfugiés de la guerre en Libye en 2011, mais que cela n’a pas ensuite empêché un certain nombre de personnes de tenter de rejoindre l’Europe.
Accueillir les migrants : « une question de dignité »
Pour être sûr que les migrants fuyant la guerre, la dictature et la misère n’arrivent pas en Europe, l’ancien premier ministre souhaite « une force navale européenne pour empêcher les bateaux de quitter les côtes libyennes ». Une demande qui fait échos aux mesures annoncées par Bruxelles en vue de détruire les embarcations servant au passage des migrants.
Mais, « chaque fois qu’on a essayé de couper les routes des passeurs, cela n’a fait que rediriger les flux sur d’autres routes » plus longues et donc plus dangereuses, met en garde Marie Martin, responsable du programme Migration au Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH). Le REMDH et d’autres organisations de défense des droits de l’Homme rappellent que c’est la politique européenne des visas qui poussent les gens à risquer leur vie en mer.
Or, « Les chiffres et les projections montrent clairement qu’on est très loin de pouvoir parler d’invasion de migrants, même si on facilitait l’octroi de visas », contredisant l’argument de l’incapacité de l’Europe à accueillir ces personnes. « C'est aussi une question de dignité ! J'espère que les Européens, dans 10 à 15 ans, pourront se regarder dans une glace, parce que ce qui est en train de se passer peut demain nous glacer d'effroi en raison de l'indifférence qui aura été la nôtre », s’indignait pour sa part le député PS Pouria Amirshahi, lui même Français issu de l’immigration.
Rached Cherif