Foyer de travailleurs : lieux de vie fermés pour cause de trop forte affluence en salle de prière
Quelle considération envers les travailleurs immigrés ? C'est la question légitimement posée au vu de l'entretien et de l'état des foyers, notamment à Paris et en région parisienne. Outre l'état, c'est la gestion de ces lieux qui est problématique depuis plusieurs années. Dernier exemple en date, le fermeture, par arrêté préfectoral, des salles collectives, qui sont aussi des lieux de vie, au foyer Adoma Riquet (Paris 19ème). Raison invoquée : trop forte affluence dans la salle de prière, le vendredi…
Manque de lieux de culte
La question de la sur-occupation de la salle de prière, le vendredi, n'a jamais été éludée par les délégués du foyer et l'imam de la salle de prière. C'est pourquoi ces derniers ont fait des efforts depuis un an, en fermant la salle entre les prières. Aujourd'hui, le comité de résidents du foyer Riquet regrette un manque de communication : « Une discussion aurait pu avoir lieu sur le contrôle des entrées pendant la journée de vendredi, mais aucune concertation sérieuse n’a eu lieu sur ce point. La préfecture et ADOMA ont passé par un coup de force, interdisant de manière définitive tout usage du sous-sol ». Après l'intervention des forces de l'ordre et d'une équipe d'ouvrier, le sous-sol où se trouve notamment la salle de prière a été muré. Simplement, si cette salle enregistrait de grosses affluences, c'est qu'aucune solution n'a été trouvée pour remplacer la mosquée de la rue de Tanger (19ème), « démolie pour cause d'insalubrité » : « Cela fait des années que le chantier d’une reconstruction de cette mosquée est gelé par manque de fonds, situation dont les pouvoirs publics français se lavent les mains », note le comité de résidents du foyer Riquet. Les habitants du quartier se rabattaient donc logiquement sur cette salle. La solution à cette surexploitation de la salle de prière du foyer ne peut donc venir que des pouvoirs publics…
Néocolonialisme ?
Outre la salle de prière, ce sont également des salles utilisées pour les cours d'alphabétisation, les cours d'informatique, pour les réunions familiales, les assemblées d'associations, dont l'accès a été condamné en par les autorités. « Ces espaces sont essentiels car on ne peut pas demander à des hommes de passer toute leur vie dans 9m2 sans aucun espace de rencontre », s'indigne le comité des résidents. Pour ce dernier, cette fermeture des lieux de vie, et l'état général des foyers, résulte d'une politique qui ne date pas d'hier : « Pendant des décennies, la politique publique envers les habitants des foyers était teintée de néocolonialisme puisqu’on a laissé les bâtiments pourrir sans entretien ni investissement parce qu’ils étaient habités par des travailleurs immigrés. Aujourd’hui les interventions de force sans concertation ni prise en compte des intérêts des résidents relèvent de la même logique ».
Pour obtenir la réouverture des lieux de vie, les résidents sont prêts à se sacrifier et à fermer la salle de prière le vendredi. Toutefois, la condition sine qua non est la suivante : « l’ouverture immédiate de négociations avec tous les niveaux de responsabilité (gestionnaire, Ville, préfet) afin que des solutions puissent être trouvées compatibles, certes, avec les exigences de la sécurité publique, mais aussi avec les besoins et les usages des résidents ».
CH. Célinain