Femmes en lutte 93 : Féminisme de classe contre féminisme bourgeois
Elles sont basées à Saint-Denis, elles combattent quotidiennement pour les droits des femmes, mais s’attachent à travailler sur d’autres problématiques que les mouvements féministes « traditionnels ». Quelques jours après les manifestations du 8 mars, le collectif Femmes en lutte 93 organisait sa manifestation samedi dernier (11 mars), à Saint-Denis, dans le territoire où vivent les femmes pour lesquelles elles s’engagent.
Travail local
Les militantes du Collectif Femmes en lutte 93 sont des femmes de différentes situations familiales, de différentes orientations sexuelles, de diverses confessions, ou même sans confessions, de diverses origines, autant dire une diversité représentant parfaitement le département dans lequel elles oeuvrent. « Nous défendons un féminisme de classe. Nous devons être solidaires des femmes les plus précarisées. Nous refusons les stratégies du féminisme bourgeois qui consiste à lutter pour soi-même » affirme Nawel, militante du collectif, égratignant au passage des associations féministes traditionnelles.
Fidèles à leurs idées, les Femmes en lutte 93 travaillent beaucoup avec les femmes de la coordination des sans-papiers du 93 : « Nous les aidons à prendre la parole, à poser des problématiques spécifiques à leur situation de femmes sans-papiers (…) Nous les considérons comme des femmes à part entière ».
Féminisme bourgeois
A Paris, le 8 mars dernier, comme chaque année deux manifestations étaient prévues : l’une « institutionnelle » et l’autre alternative. Le collectif Femmes en lutte 93, comme les années précédentes, ne comptait pas se rendre à la manifestation « institutionnelle » : « Nous n'allons jamais à la manifestation institutionnelle, elle est portée par le CNDF. Il y a quelques années, cette manifestation a exclu des femmes du cortège, pour la seule raison que ces femmes portaient le voile. Nous ne nous reconnaissons pas dans ce féminisme qui est bourgeois, excluant ».
Cette année, le collectif se démarque un peu plus. D’une part, parce que se rendre à une manifestation en plein milieu de la semaine est compliqué pour les femmes auxquelles elles s’adressent (vie de famille, horaires décalés…). D’autre part, le collectif voulait se recentrer sur leur territoire, sur ces femmes aux problématiques spécifiques.
Violence économique
Quand on parle des problématiques des femmes vivant dans le 93, Nawel est prompte à éviter tout cliché : « Il faut aller contre une fausse intuition qui serait que les banlieues, les quartiers populaires seraient des endroits plus difficiles pour les femmes en terme de sexisme. C'est faux ! Le sexisme traverse toutes les couches de la société, dans tous les territoires ».
Une fois cette précision apportée, la militante du collectif rappelle une réalité qui conditionne forcément la vie en Seine-Saint-Denis : « Le 93 est le département le plus pauvre de France. En plus de subir les violences sexistes, les femmes y subissent une violence économique. Elles subissent la précarité du travail, du logement… ».
Un message bien spécifique qui a été porté samedi dernier (11 mars) lors de la manifestation dont le trajet comprenait un arrêt rue du corbillon (Saint-Denis). Les habitants de cette rue, délogés après l’assaut du RAID le 18 novembre 2015, n’ont toujours pas été relogés. Insalubrité des logements, manque de moyens dans les établissements scolaires et bien d’autres problèmes touchant les habitants de Seine-Saint-Denis, pour lesquels le collectif Femmes en lutte 93 continuent de se battre.
CH. Célinain