Droit au logement : l’État condamné 25 000 fois depuis 2008, 60 000 dossiers en attente

 Droit au logement : l’État condamné 25 000 fois depuis 2008, 60 000 dossiers en attente

En 7 ans d’existence


Depuis la mise en oeuvre du Droit au logement opposable en 2008, plus de 82 000 ménages ont été relogés, preuve d’un réel besoin. Mais, des progrès restent à accomplir : près de 60 000 ménages patientent toujours et l'État a été condamné dans 25 000 dossiers, indique un bilan remis mardi à la ministre du Logement.


 


82 000 familles relogées sur 500 000 dossiers


Entre 2008 et 2014, près de 500 000 ménages ne parvenant pas à trouver un toit (sans domicile fixe, expulsables, en logement insalubre…) ont déposé un recours pour demander à l'État de les loger, comme l’autorise la loi Dalo (Droit au logement opposable), selon un rapport du comité de suivi de la loi ce mardi à la ministre du Logement, Sylvia Pinel.


Si 82 028 ménages ont été relogés, la loi « peine encore à être appliquée, en particulier dans les secteurs où la crise du logement est la plus aiguë », Ile de France et Provence-Alpes-Côte d'Azur en tête, relève le rapport, soulignant que 59 502 ménages attendent toujours un logement. Dans ces zones, il s'agit d'identifier quels sont les leviers à actionner pour « accélérer le relogement des familles Dalo », explique le ministère, par exemple en mobilisant davantage de logements sociaux gérés par les préfectures et Action logement (ex-1% Logement) ou en accompagnant les familles.


 


L’État pris au piège du Dalo


Depuis la promulgation de la loi, l'État a été condamné plus de 25 000 fois devant les tribunaux pour ne pas avoir relogé des personnes reconnues au titre du Dalo dans les délais fixés par la loi. Les astreintes dues (plus de 25 millions en 2013, 19,2 millions en 2014) ne sont pas versées aux ménages, mais au Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL). Ce fonds finance « des actions d'accompagnement personnalisé et de gestion locative adaptée favorisant l'accès et le maintien dans un logement ». La France a aussi été condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme en avril 2015 pour n'avoir pas relogé une famille reconnue prioritaire en 2010.


La situation difficile des naufragés du logement connait cependant des progrès. « Il y a des territoires où le Dalo fonctionne : Rennes, Strasbourg… » Et de plus en plus de logements sont mobilisés pour les personnes reconnues Dalo (17 365 en 2014). Mais, pour la première fois en 2014, le nombre de ménages reconnus au titre du Dalo a baissé, passant à 28 047 contre 32 473 en 2013 sans que cela ne soit la « conséquence d'une amélioration de la situation du logement dans notre pays ».


 


L’esprit de la loi mis à mal


En raison « de nombreuses décisions de commissions de médiation ne respectant pas les critères de reconnaissance fixés par la loi », le taux de décisions favorables a reculé de 45,9 % en 2008 à 32,2 % en 2014, regrette le rapport.


« Dans certaines commissions, on entend : “ce n'est pas la peine de les reconnaître prioritaires, de toute façon on n'a pas les logements” », rapporte Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. Il s'insurge de cette « tentation de contourner l'esprit initial de la loi, qui était précisément de créer un effet de levier et d'apporter des solutions pour les ménages les plus en difficulté ».


Rached Cherif


(Avec AFP)