Des commerçants maghrébins de Beaucaire au tribunal ce mardi 1er septembre face à leur maire Front National

 Des commerçants maghrébins de Beaucaire au tribunal ce mardi 1er septembre face à leur maire Front National

Les riverains de Beaucaire ne peuvent plus passer après 19h. Crédit photo: Nadir Dendoune


Mohamed Zhani, un Marocain d’une cinquantaine d’années, patron du bar-restaurant Le National à Beaucaire, une ville du Gard niché à quelques kilomètres de Nîmes, n’est pas du genre à faire des histoires. « Je travaille, je paie mes impôts, j’essaie de mener ma vie tranquillement », raconte-t-il d’une voix posée. « Mais là, le maire est allé trop loin et on est bien déterminés à ne rien lâcher », continue Mohamed, qui avec quatre autres patrons de commerces, tous tenus par des Maghrébins, a décidé de mener bataille contre la décision de la municipalité. De notre envoyé spécial.


 


La raison de leur colère vient de deux arrêtés municipaux pris par l’édile frontiste Julien Sanchez le 16 et le 17 juin dernier (2015), et qui concerne la rue Nationale et la rue Ledru-Rollin. Ils visent clairement les commerçants maghrébins. Le premier des arrêtés « interdit l'exercice professionnel de toutes les épiceries, primeurs, et commerce de distribution de 23 h à 8 h » dans un périmètre « se situant à l'intérieur d'un périmètre délimité du centre-ville ». Le second « interdit à tous les commerces » de travailler de 23 h à 5 h dans deux rues de la ville. Le préfet a invité Julien Sanchez à retirer ces arrêtés. En vain. 


« Force est de constater que ces arrêtés municipaux visent clairement les commerçants d'origine maghrébine, appartenant à la confession musulmane », dénonce Abdallah Zekri, président de l'Observatoire national contre l'islamophobie qui s'est porté partie civile dans cette affaire. « Ces arrêtés ont été pris le 1er jour du ramadan. Pendant cette période, les musulmans ne sortent que vers 22h. Ce qui veut dire que les commerçants n’étaient autorisés à travailler que pendant une heure », pointe Abdallah Zekri. « La période visée par ces arrêtés, à savoir jusqu'au 31 octobre, couvre donc la période du ramadan, et plus généralement la période estivale, qui représente l'activité commerciale la plus importante pour les commerçant visés », explique encore le président de l’Observatoire national contre l’islamophobie. 


 


               "Aucune plainte n'a été déposée"




« Depuis plus d'un mois, la police municipale passe tous les soirs après 23 heures pour nous obliger à fermer. Moi, je refuse. Je le ferai quand tous les commerçants de Beaucaire seront traités de la même façon. Pendant les fêtes de la Madeleine, tous sont restés ouverts jusqu'à 2 heures en semaine, 3 heures le week-end. Sauf dans notre quartier. Pourquoi pas nous ? Ça me révolte », fulmine Mohamed Zhani. « Le maire aimerait qu’on parte d’ici pour nous remplacer par d’autres commerces », pense le patron du National, précisant encore, que les riverains « ne peuvent plus passer en voiture après 19h rue Nationale parce que le maire a fait installer des bornes à chaque entrée de la rue »


«Il ne reste quasiment plus de places de stationnement, il y a donc moins de gens qui viennent ici. Comment allons – nous faire ? », interroge-t-il. «Il nous a même supprimé nos terrasses. Ce qui n'est pas le cas pour les autres commerces qui sont un peu plus loin», dénonce encore Mohamed Zhani. Effectivement, il suffit juste de marcher quelques centaines de mètres pour tomber sur cette superbe terrasse. Située sur une autre rue dans ce nouveau restaurant, dont les locaux appartiennent à la ville… 

 


De son côté, le maire Julien Sanchez nie toute connotation discriminatoire dans ses arrêtés. Il rappelle qu’ils ont été « pris à la demande des riverains de ces quartiers résidentiels ». « Ce sont eux qui m'ont alerté des nuisances sonores dont ils étaient les victimes ». « Il ne s'agit que de garantir la tranquillité des habitants en terme de bruit ou d'alcool », renchérit Julien Sanchez. « Le maire se sert de cette excuse pour justifier ses arrêtés. Mais je rappelle qu’aucune plainte n’a été déposée», tacle Mohamed Zhani, reconnaissant que certains « clients qui sortent fumer parlent parfois trop fort ». « C’est comme ça dans toutes les villes. On leur demande de se calmer, mais c'est à la police d'intervenir, pas à nous », explique-t-il encore. 


 


            Le maire applique la politique frontiste à la lettre






La décision du maire de Beaucaire est tout sauf une surprise. Aux dernières élections municipales de 2014, le Front National l’a emporté ici,  profitant de l’absence d’un « front républicain » : au deuxième tour, les électeurs avaient le choix entre quatre listes. Une division qui a laissé un boulevard au Front National. Depuis son arrivée à Beaucaire, le maire applique donc la politique frontiste au pied de la lettre, arrêtant par exemple de verser début 2015, la subvention municipale à une association d’aide au soutien scolaire, «si ces personnes ont besoin de soutien parce qu'elles ne parlent pas le français, ce n'est pas mon problème, ce n'est pas à nous de payer», s'était justifié Julien Sanchez. Le maire frontiste avait également décidé de couper par deux la contribution accordée au club de foot. « Notre club compte trois cent quatre-vingt-quatre licenciés et, parmi eux, une majorité de Maghrébins, alors, vous comprenez… », avait alors expliqué Laurent Quinto, le président du Club.  



Mohamed Zhani et les autres commerçants auraient aimé pouvoir se « mettre autour d’une table pour trouver des solutions ». « À Tarascon, la ville voisine, il y avait les mêmes problèmes qu’à Beaucaire, et grâce à la discussion, les choses ont été réglées ». rappelle Mohamed Zhani. 

A Tarascon, la mairie est gérée par Lucien Limousin, du parti Les Républicains…



A défaut donc d'avoir pu trouver un accord avec le maire, les commerçants l'ont assigné en justice le 29 juillet dernier.

L'audience devant le tribunal correctionnel de Nîmes est prévue ce mardi 1er septembre à 14 h. Les commerçants espèrent que la justice saura les entendre. 


 


Nadir Dendoune