Délit de solidarité : les condamnations se poursuivent
C'est dans la plus grande discrétion que se poursuivent les comparutions devant les tribunaux pour « délit de solidarité ». Si l'affaire de Cédric Herrou, cet habitant de la vallée de la Roya passé devant les tribunaux pour avoir aidé des migrants, a eu un écho certain, la plupart des autres affaires son jugées furtivement. Ce sera le cas, le 12 mai prochain, date à laquelle deux militants du collectif Romeurope passeront en appel après leur condamnation pour violences volontaires sur policiers « alors qu'ils tentaient pacifiquement de mettre des personnes à l'abri ».
Condamnés
Les faits remontent au 27 janvier 2015, lorsque 300 habitants des bidonvilles de Noisiel et Champs-sur-Marne (77) ont été mis à la rue dans un froid polaire. Romeurope raconte la suite : « Afin de mettre ces personnes à l’abri du froid et des intempéries, des militants et citoyens les ont conduits dans les locaux de la mairie annexe de Noisiel. La police s’étant opposée à la mise à l’abri, une bousculade s’en était suivie ». Le résultat : le 12 juin 2015, deux militants sont condamnés pour violences volontaires contre des policiers par le tribunal de grande instance de Meaux. Le 12 mai prochain, ils passeront donc en appel.
Motifs mis en doute
Etre solidaire des étrangers en France ne semble pas être sans risque vis-à-vis de la loi. Plusieurs cas de citoyens solidaires, incriminés pour des motifs paraissant exagérés par rapport à la réalité des faits, ces dernières années. Encore en janvier dernier, Houssam El Assimi, militant qui prodiguait des conseils sur leurs droits aux personnes évacuées d'un camp avenue de Flandres (Paris 19e), a été accusé de « rébellion et violence sur personne dépositaire de l’ordre public ».
Son avocat, Me Dominique Tricaud était alors perplexe et inquiet quant à l'avenir : « Dès que la technique qui consiste à criminaliser sur des infractions de droits communs des gens à qui l'on reproche des actes politiques est une technique qu'emploient toutes les sociétés dont les démocraties sont un peu à la dérive. Une grande tradition des pays de l'Est, en France c'est plus rare mais ça y ressemble beaucoup (…) A tout le moins, je m’interroge ». Des mots traduisant une réalité pour nombre de citoyens dont le seul « crime » est d'avoir aidé un étranger dans le besoin.
« Délinquants solidaires »
Face à la multiplication de ces cas, environ 400 organisations nationales ont formé, en février dernier, le collectif « Délinquants solidaires ». L'objectif est simple, en finir avec le délit de solidarité mais aussi se tourner vers les causes qui « obligent » les citoyens à porter secours aux étrangers. Membre du collectif, La Cimade pointe un problème européen : « La fermeture des frontières, le règlement Dublin, vu ce que ça entraîne comme violation des droits fondamentaux, mise en danger des personnes, ça interroge. Alors que la pertinence de l'aide apportée par les citoyens solidaires, il n'y a aucune raison de la questionner ».
Un réel problème que le futur président de la République devra prendre en compte et régler, sous peine de voir citoyens et associations battre le pavé massivement.
CH. Célinain