Déchéance de nationalité : retour sur un fiasco du duo Hollande-Valls

 Déchéance de nationalité : retour sur un fiasco du duo Hollande-Valls

Les sénateurs ont vraisemblablement enterré l’article sur la déchéance de nationalité du projet de réforme constitutionnelle.


En adoptant jeudi un texte différent de celui transmis par les députés, les sénateurs ont sans doute mis un terme au feuilleton de l’extension de la déchéance de nationalité. Le consensus voulu par l’exécutif semblant impossible à atteindre, cet article devrait selon toute vraisemblance être retiré du projet de réforme constitutionnelle.


 


Un naufrage annoncé


En votant des textes différents et en adoptant des positions inconciliables, l’Assemblée nationale et le Sénat ont mis un coup d’arrêt à la mesure symbolique défendue avec acharnement par l’exécutif, à savoir l’inscription dans la Constitution de l’extension de la déchéance de nationalité. Le sujet qui a monopolisé le débat politique et les médias pendant plusieurs semaines, menant même le parti socialiste au bord de l’implosion.


Tout commence par le discours de François Hollande devant les parlementaires réunis en congrès quelques jours après les sanglants attentats de Paris en novembre. Il annonce une réforme constitutionnelle visant à faire entrer l’état d’urgence dans la loi fondamentale et à étendre la peine de déchéance de nationalité aux coupables et complices d’actes terroristes, même ceux nés Français.


 


Binationalité or not binationalité ?


Outre l’inefficacité avérée de la mesure, se pose dès lors la question de limiter cette possibilité aux seuls détenteurs d’une autre nationalité, au risque d’une rupture inédite du principe d’égalité des Français, pourtant devise du pays ; ou de la rendre possible pour tous les Français sans distinction, au risque cette fois de créer des apatrides au mépris des traités internationaux. Difficile à vendre pour un pays qui se vante d’être la Patrie des droits de l’Homme. Les contempteurs du projet exigent son retrait pur et simple.


Le débat enflamme pendant de longues semaines la classe politique en dépassant les appartenances partisanes. Des militants socialistes opposés au projet vont jusqu’à saisir la haute autorité éthique du PS, tandis que les démissions de responsabilités au sein du parti, voire du parti lui-même, s'enchainent. Universaliste convaincue, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, refuse de défendre le texte et finit par claquer la porte du gouvernement avant de publier dans la foulée un livre à charge contre le projet.


C’est justement sur cette question que députés et sénateurs s’opposent. La référence à la binationalité a été retirée du texte initial par les députés avant d’être réintroduite par les sénateurs. Compte tenu de la composition des deux chambres et des intentions de vote exprimées, l’article en question n’a plus aucune chance de recueillir les 3/5e des votes nécessaires au congrès.


 


Vers un congrès allégé


Le débat sur la déchéance de nationalité occupe un tel espace politico-médiatique, que les critiques contre l’autre article du projet n’ont que peu d’échos. En effet, la constitutionnalisation de l’état d’urgence ferait de la France l’une des seules démocraties, sinon la seule, à prévoir trois états d’exception suspendant tout ou partie du droit commun et du contrôle judiciaire.


Plusieurs députés demandent d’ailleurs à ce que l’introduction de l’état d’urgence soit compensée par la suppression de l’article 16 de la Constitution, dit des « pleins pouvoirs » au Président de la République, jugé dangereux, notamment dans la perspective – désormais réaliste – d’une arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Fin de non-recevoir de l’exécutif.


Si congrès il y a, celui-ci sera donc allégé avec le seul article sur l’état d’urgence. Une double défaite pour François Hollande et Manuel Valls. Non seulement l’exécutif perd la face avec ce vote de la droite sénatoriale, mais la bataille qu’il vient de perdre va laisser de profondes blessures au sein de son propre camp. Une mobilisation de toute la gauche derrière la candidature plus que probable de François Hollande en 2017 relève aujourd’hui de l’utopie.


Rached Cherif