Déchéance de nationalité : les parlementaires des Français de l’étranger indignés

 Déchéance de nationalité : les parlementaires des Français de l’étranger indignés

Le maintien de la disposition controversée a fait l’effet d’une douche froide au sein de la majorité


L’élargissement de la déchéance de nationalité aux binationaux nés Français retenu par l’exécutif dans le projet de réforme constitutionnelle suscite l’indignation d’un grand nombre de militants et d’élus de gauche, qui ne cachent pas leur déception. François Hollande a fait le choix de suivre une opinion publique sous le coup de l’émotion post-attentat, mais il prend le risque de braquer contre lui une partie significative de la gauche et de son électorat.


Le choix du populisme contre les valeurs de gauche


La droite, les souverainistes et même l’extrême droite ont été les premiers mercredi à saluer le maintien dans le projet de loi constitutionnelle de la déchéance de nationalité pour tous les binationaux, y compris ceux nés Français.


À gauche, l’annonce a fait l’effet d’une bombe qui risque de faire exploser la majorité. D’autant plus, que plusieurs élus avaient manifesté leur soulagement lorsque la ministre de la Justice, Christiane Taubira, avait annoncé mardi l’abandon de la mesure controversée. La Garde des Sceaux s’en retrouve du même coup désavouée publiquement, à la grande satisfaction de la droite, qui n’a pas tardé à appeler à sa démission du gouvernement.


Le Défenseur des droits Jacques Toubon a rappelé mercredi sa « désapprobation » de la déchéance de nationalité des binationaux, soulignant que « la citoyenneté est aussi indivisible que la République », dans un communiqué.


 


5 millions de plurinationaux stigmatisés


Chez les électeurs et les militants, le coup est rude ; et les réactions ne se sont pas fait attendre après ce que beaucoup perçoivent comme le franchissement par le gouvernement Valls d’une ligne rouge. Dans un communiqué, la Fédération des Français à l'étranger du PS « condamne le choix d'étendre la déchéance de nationalité aux binationaux nés Français. C'est une mesure inutile qui ne dissuadera aucun terroriste de passer à l'acte. Cette mesure stigmatise les 5 millions de binationaux Français, dont plus d'un million vivent à l'étranger, qui sont légitimement choqués par cette entorse aux principes républicains ».


Plusieurs parlementaires de la majorité représentant les Français établis hors de France, parmi lesquels de nombreux binationaux ont déjà annoncé qu’ils s’opposeraient au texte. « Le gouvernement fait sauter les garanties constitutionnelles qui s’offraient jusqu’à présent à tout Français sur le maintien tout au long de sa vie de son lien avec la Nation. Si la déchéance est ouverte aujourd’hui pour terrorisme, elle pourra demain être ouverte pour d’autres crimes, au grès de la volonté des majorités. Au moment où certains binationaux s’interrogent sur leur identité, ce type de signal est très dangereux », estime Jean-Yves Leconte, sénateur socialiste de l’étranger.


 


Une majorité plus que jamais fragilisée


« Un gouvernement socialiste légitime ainsi les thèses du Front national, offrant par là même une victoire culturelle et symbolique supplémentaire au bloc réactionnaire », s’est indigné Pouria Amirshahi, député de la 9e circonscription de l’étranger (Maghreb et Afrique de l’Ouest), qui votera contre. Tout comme le député PS Pascal Cherki, pour qui le texte offre « brèche constitutionnelle à l'extrême-droite » qui « réclame depuis des années la remise en cause de la binationalité ».


Martine Vaudrin Jedidi, suppléante du député Amirshahi et élue à l’Assemblée des Français de l’étranger pour la Tunisie et la Libye, s’est dit « Totalement décontenancée et indignée par l'annonce du maintien de proposition d'extension de la déchéance de nationalité aux double-nationaux nés Français », avant d’ajouter que les « parlementaires, députés et sénateurs des Français hors de France de gauche ne voteront pas ce texte en l'état ». Au total, les Français hors de France sont représentés par 11 députés et 12 sénateurs, dont 12 de gauche (11 socialistes et un écologiste).


La sénatrice Hélène Conway regrette que le président n’ait pas entendu ceux qui, au sein du PS, ont dénoncé cette mesure et ait préféré une « vision à court terme pour gagner le vote au Congrès et se passer de celui des binationaux (…) qui iront gonfler les rangs des abstentionnistes ».


Rached Cherif