Déchéance de nationalité : les élus et militants binationaux de gauche montent au créneau
De nombreux parlementaires socialistes et ténors du parti ont déjà dénoncé le projet de loi constitutionnelle étendant la déchéance de nationalité aux binationaux nés Français. Dans les quartiers et les banlieues, où la gauche a réalisé ses meilleurs scores en 2012, les élus de proximité, dont plusieurs binationaux, ne cachent pas leur déception et leur amertume vis-à-vis de ce qu’ils vivent comme une trahison de l’exécutif.
« Une mesure inefficace et injuste ! »
« Nous nous y opposons avec force et demandons aux parlementaires de la rejeter lors de l'examen du texte au Parlement à partir de février », écrivent dans un communiqué Vincent Tison et Mohamed Moulay, deux conseillers municipaux socialistes de Joué-Lès-Tours (Indre et Loire). Ils pointent une mesure « venue de l'extrême droite » totalement inutile pour la sécurité des Français. Des prises de position qui s'ajoutent à celles de plusieurs parlementaires socialistes.
En revanche, « cette proposition va créer une inégalité entre Français : pour des actes identiques qualifiés pareillement, la sanction sera inégale. Or, ne laissons pas se créer une société du soupçon : les binationaux ne sont pas moins Français que les autres », estiment les signataires, qui sont également respectivement conseiller communautaire de Tours et vice-président de la région Centre Val de Loire.
Démission de militants binationaux
Les militants socialistes de base, parmi lesquels figurent également un nombre important de binationaux, font également entendre leur colère face à un exécutif qui renie les valeurs de la gauche. Fouad Kharrab, membre de la section clermontoise du parti qui a annoncé sa démission, résume bien la pensée des binationaux engagés au PS. « Cette démission s'explique par les insupportables trahisons de François Hollande, de son gouvernement et du Parti socialiste qui appuie ces derniers », écrit-il sur sa page Facebook en joignant une photo de sa carte de membre découpée.
Sa décision fait suite à une série de déception, mais la déchéance de nationalité pour les binationaux – une mesure empruntée au Front national selon lui –, est « la goute d'eau qui fait déborder le vase ».
« Elle jette la suspicion sur des citoyens dont le cœur se partage entre deux pays, mais qui aiment autant l'un que l'autre. Elle rompt l'égalité entre les citoyens qui n'ont qu'une nationalité et ceux qui en ont deux. Elle répond ainsi à la violence terroriste par une symbolique infâme au lieu de mettre en place des moyens concrets, notamment humains, sur le terrain », ajoute le désormais ex-militant socialiste.
Rached Cherif