Déchéance de nationalité : Hollande consulte tous azimuts alors que le débat s’enlise

 Déchéance de nationalité : Hollande consulte tous azimuts alors que le débat s’enlise

Le président de la République tente désormais de trouver un texte de consensus pour obtenir la majorité nécessaire.


François Hollande reçoit ce mercredi après-midi le président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone et son homologue du Sénat Gérard Larcher, avant les groupes parlementaires vendredi, en vue de trouver un compromis sur l'épineux dossier de la déchéance de nationalité. L'annonce de ces rencontres est intervenue lundi soir, alors que s'ouvrait un bureau national du Parti socialiste consacré à la question.


 


Les socialistes majoritairement opposés au texte actuel


Le bureau national ne s'est pas conclu par un vote. Mais il a donné « mandat » à une délégation menée par le premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis pour qu'elle transmette au président de la République la position du PS. « Nous pensons que le texte peut évoluer dans un sens qui combine à la fois l'union nationale (…) pas de ségrégation entre les Français, et (sans) créer d'apatridie », a expliqué M. Cambadélis, qui a déjà fait part de son scepticisme sur le projet de loi constitutionnelle.


Également présents, l'ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault et l'ancien N° 1 du PS Martine Aubry ont rappelé leur opposition à l'article 2 du projet de révision constitutionnelle, qui prévoit d'inscrire dans la constitution la possibilité de déchoir de leur nationalité les binationaux condamnés pour terrorisme. Comme de nombreux responsables, ils reprochent au projet de l'exécutif de stigmatiser les binationaux et de remettre en cause le droit du sol.


À l'issue des débats, il apparaît que les socialistes sont « très clairs pour refuser très majoritairement cette idée de déchéance de nationalité (…) Très clairement, il y a la nécessité de réécrire ou de supprimer cet article 2, cela a été exprimé (…) très majoritairement », a résumé le député frondeur Christian Paul. En lieu et place, de nombreuses voix se sont élevées pour défendre l'idée d'une « déchéance de citoyenneté », a-t-il précisé. Problème : il n'est pas certain que cette formule convienne à la droite, qui a fait savoir depuis plusieurs semaines qu'elle ne voterait pas la réforme si la déchéance de nationalité n'y figurait pas.


 


Stigmatisation des binationaux ou création d’apatrides ?


Interrogé dimanche, le chef de file des députés socialistes Bruno Le Roux avait dit espérer pouvoir soumettre au président « dans les jours qui viennent » une formule qui fasse consensus, grâce au travail du président de la commission des Lois Jean-Jacques Urvoas (PS). Selon des sources parlementaires, l'hypothèse sur laquelle travaille M. Urvoas serait de ne pas préciser de condition de nationalité dans la loi fondamentale, mais de la renvoyer à une loi d'application, qui sera présentée en même temps.


Pour éviter une stigmatisation des binationaux, plusieurs responsables socialistes — dont M. Le Roux — avaient prôné d'appliquer la déchéance de nationalité à tous les Français, au risque de créer des apatrides, mais cette solution a été rejetée par le premier ministre. Pris entre deux feux, l’exécutif a aussi écarté samedi la solution de l'indignité nationale, qui avait l'avantage de ne pas créer de discrimination entre les binationaux — quelque 3 à 5 millions de Français selon les estimations — et le reste des citoyens.


Quelle que soit la solution qui s'imposera, l'exécutif entend aller vite, alors que les débats sur la révision constitutionnelle empoisonnent depuis des semaines le paysage politique, et que l'Assemblée doit commencer l'examen du texte entre le 5 et le 9 février, et le Sénat à partir du 16 mars.


Rached Cherif


(Avec AFP)