Comment le Front national est en train « d’ôter définitivement les stigmates du père »
Comment le Front national, autoproclamé premier parti de France, a construit sa conquête de l'opinion publique depuis ses bases du sud de la France acquises au milieu des années 90. C'est exactement le mécanisme que montre le film "Mains brunes sur la ville", de Bernard Richard et Jean Malet. La Ligue des droits de l'homme organisait hier soir (23 févier) une projection suivie d'une discussion pour décrypter l'avancée inexorable du Front national.
L'exemple Bompard
Le réalisateur a profité des élections cantonales de 2011 pour filmer son documentaire "Mains brunes sur la ville", ayant pour but de montrer les conditions d'arrivée au pouvoir et quelle politique les élus FN appliquent. « Ce sont les mêmes politiques qu'ils appliquent encore aujourd'hui » assure le réalisateur. Ce dernier regrette que son film n'ait aucune chance de passer à la télé et que plus généralement la télévision n'éduque plus sur la politique. Une véritable aubaine pour le Front national, à l'heure où sa dédiabolisation passe par une présence accrue sur ce média de masse, où les intervenants les traitent comme un parti « normal ». Un changement d'image indispensable pour les ambitions politiques du leader du parti, Marine Le Pen, comme le précise l'historienne Valérie Igounet spécialiste du Front national : « On ne peut pas aujourd'hui se déclarer comme un parti négationniste et antisémite, et soi-disant vouloir accéder à la présidence de la République ».
Gestion catastrophique ?
Il semble déjà loin le temps où la France était pétrifiée à l'idée de savoir qu'au milieu des années 90, trois villes (Marignane, Toulon, Orange en 1995 puis Vitrolles en 1997) ont élu un maire Front national. Si la gestion de ces quatre villes a été catastrophique, avec quelques bourdes retentissantes comme les primes de naissance (fictives), accordées aux familles dont un parent au moins est français, lancées par Catherine Mégret, alors maire de Vitrolles, l'histoire retiendra que Jacques Bompard, maire d'Orange, a été réélu jusqu'à aujourd'hui. Celui qui a quitté le FN pour créer la Ligue du Sud, avec d'anciens membres du FN, étend sa toile inexorablement sur tout le nord du Vaucluse, solidifiant une base historique pour l'extrême droite.
Plafond de verre ?
Lors des dernières élections régionales, arrivé en tête dans six régions au premier tour, le Front national n'en remporte aucune. Malgré le record de votes en faveur du FN, le parti le vit comme un échec. Pour en trouver les raisons et des solutions le FN a organisé, début février, un séminaire pour comprendre pourquoi le parti ne parvient pas à briser ce plafond de verre comme l'explique Valérie Igounet : « Il n'en est pas ressorti grand-chose de ce séminaire. Est-ce que la ligne Phillipot est opérante ?? Au travers de ce séminaire nous voyons qu'ils sont surtout en train de dé-LePeniser le Front national, il est question d'enlever la fête du 1er mai. Ils sont en train d'ôter définitivement les stigmates du père pour soi-disant s'avancer comme un nouveau parti ». Le plafond de verre sera-t-il brisé en 2017 ? La question est posée et la France pourrait bien avoir une (demi-) surprise en mai 2017…
F. Duhamel