Cinéma : « Une saison en France », regard tendre sur une famille de réfugiés
Le réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun plonge dans le quotidien d'un père centrafricain et de ses deux enfants demandeurs d'asile, tendrement accompagnés par une Française dans un film sans concession, « Une saison en France ».
La saison, c'est l'hiver, que traversent d'appartement en appartement Abbas, réfugié centrafricain et ses deux enfants Asma et Yacine. Le film débute dans un certain confort : la petite famille est hébergée dans un bel appartement prêté sans doute par des amis, les enfants vont à l'école, la demande d'asile est en cours. Abbas travaille sur les marchés et noue une relation tendre avec Carole (jouée par l'actrice française Sandrine Bonnaire), une Française que ses parents d'origine polonaise rendent sensible à son sort.
On pourrait imaginer une fin heureuse à cette histoire, s'il n'y avait la maman morte pendant la fuite de Centrafrique, abattue par des miliciens, et les refus de l'administration française qui tombent, inexorablement. Abbas s'enfonce dans l'angoisse, de recours en recours, et la petite famille dont les ressources ont fondu descend dans l'échelle sociale, pour finir à la rue.
Des procédures froides et brutales
La caméra attentive de Mahamat-Saleh Haroun ne tombe jamais dans le misérabilisme ni dans la dénonciation véhémente. Ainsi, les relations avec l'administration sont réduites à des lettres bureaucratiques, sèches, que reçoit Abbas. Les personnages principaux, Abbas (le comédien camerounais Eriq Ebouaney) et Etienne (le musicien centrafricain Bibi Tanga) étaient professeurs chez eux, leur français est parfait. Toute la violence du film est dans cette porte qui se referme avec le refus du droit d'asile, même si les réfugiés ont « fait leur trou », tant les procédures sont longues.
Le réalisateur est parti d'un fait divers terrifiant : en 2014, un Tchadien demandeur d'asile s'est immolé par le feu à la Cour nationale du droit d'asile à Montreuil (banlieue parisienne) et a survécu.
Mahamat-Saleh Haroun, bien que Tchadien, a choisi la Centrafrique comme pays de départ de son personnage pour des raisons d’actualité : le pays, embourbé dans un conflit meurtrier depuis 2013, est en proie à la violence et 400 000 Centrafricains sont réfugiés au Tchad.
Le réalisateur réalise avec ce joli film son premier long métrage en France, après plusieurs documentaires remarqués dont « Bye-Bye Africa » (prix du meilleur premier film à la Mostra de Venise en 1999) et « Hissein Habré, une tragédie tchadienne », et des longs métrages : « Abouna (Notre père) » en 2002, « Daratt, saison sèche » en 2006 et « Grigris » en 2013.
R.C
(Avec AFP)
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