« Chez nous » : Le film qui agace le FN en salles deux mois avant la présidentielle

 « Chez nous » : Le film qui agace le FN en salles deux mois avant la présidentielle

Tout a été fait pour que le parti d’extrême droite du film ressemble à s’y méprendre au FN. (Capture d’écran)


Une infirmière dévouée instrumentalisée par un parti d'extrême droite pour s'implanter dans une ville ouvrière : avec le film « Chez nous », sorti ce mercredi, Lucas Belvaux ne se cache pas de vouloir influer sur la présidentielle en France, alors que Marine Le Pen caracole en tête des sondages à deux mois du scrutin.


 


Influencer l’élection présidentielle


« Nous avons tout fait pour le sortir juste avant l'élection présidentielle. “Chez nous” s'adresse aux gens en colère et cherche à les représenter, avec leurs difficultés, leur impression d'avoir été trahis. Je veux que les électeurs comprennent ce qu'ils cautionnent exactement en votant FN », a expliqué le réalisateur, dans un entretien à l'hebdomadaire Télérama.


Le film montre un parti d'extrême droite qui bombarde Pauline, une modeste infirmière appréciée de tous, candidate aux élections municipales d'une petite ville du nord de la France, aux côtés de la dirigeante du parti, dont les cheveux blonds et le verbe haut évoquent Marine Le Pen.


Dans un premier temps, l'extrême droite a violemment attaqué le film, qualifié de « film de propagande anti-FN » réalisé par des « émules de Goebbels » par le député frontiste Gilbert Collard. Mais lundi, le vice-président du Front national, Florian Philippot, a assuré « se réjouir de ce film », parce qu'il fait « gagner des voix » au parti, par son « mépris de classe ».


 


Manifestation devant un cinéma


Cette position n'a pas stoppé le flux des tweets virulents contre le film et un rassemblement de militants du Front national devant un cinéma d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) projetant le film. « On veut montrer notre opposition à ce film irréel qui ne représente ni le FN ni ses électeurs », a expliqué Laurent Dassonville, responsable FN du canton d'Avion (Pas-de-Calais), qui estime « anormal qu'on autorise la diffusion d'un tel film, hostile au FN en pleine période électorale ».


Les partisans décrits par le film ne sont pourtant pas tous caricaturés comme des extrémistes : beaucoup sont des laissés pour compte de la société, victimes de la mondialisation, des services publics qui se délitent, de l'insécurité, hostiles aux manifestations extérieures de l'islam… et sensibles aux promesses de justice sociale et d'un État « fort et protecteur ». C'est le terreau qui a permis au FN de devenir en 2014 le premier parti de France lors des élections européennes, avec près de 25 % des voix au premier tour.


 


Gratter le vernis de la dédiabolisation


Marine Le Pen, qui se qualifierait selon tous les sondages haut la main pour le second tour de la présidentielle d'avril-mai, a réussi son pari d'adoucir son image et celle du parti fondé par son père, le sulfureux Jean-Marie Le Pen, aux diatribes antisémites et xénophobes. C'est cette fameuse stratégie de « dédiabolisation » qu'a voulu dénoncer Lucas Belvaux : il veut « montrer comment le discours change en surface sans changer sur le fond » en confrontant un parti en quête de respectabilité à son passé, notamment aux dérives violentes de ses militants de la première heure, membres de groupuscules identitaires.


Dans le film, Pauline, mère célibataire, qui incarne le visage « présentable » du mouvement est ainsi sommée de choisir entre son engagement politique et son amant Stanko, exclu du parti parce qu'il n'a pas voulu renoncer aux méthodes musclées. Certains disent, dans le film et dans la réalité, que « le père et la fille, c'est pas la même chose », mais Lucas Belvaux insiste sur la continuité entre les générations.


Rached Cherif


(Avec AFP)