« Ça leur est égal que des jeunes partent, ils ne s’inquiètent qu’à leur retour », Mouna la sœur d’un Français mort en Syrie

 « Ça leur est égal que des jeunes partent, ils ne s’inquiètent qu’à leur retour », Mouna la sœur d’un Français mort en Syrie

Sami


 


Pour Mouna 28 ans, le drame qui a touché sa famille est un énorme gâchis. "Il aurait pu être évité", pointe, amère, cette maman d'une petite fille de 14 mois, habitante de Garges-Lès-Gonesse dans le Val-d'Oise. 


 


 


Près de 9 mois après la mort de son frère, décédé le 9 mars 2015 dans un banal accident de voiture sur la route de Raqqa en Syrie, Mouna ne décolère toujours pas. "J'en veux aux autorités françaises et aussi à l'employeur de Sami", dit-elle d'un ton laconique. 


 


Rappel des faits


Sami, 22 ans, travaille comme gardien d’immeuble à Sevran en Seine-Saint-Denis où il est également logé sur place. Mouna qui "entretient une relation fusionnelle" avec son frère, voit changer très vite son frère.


"Avant, il faisait le ramadan mais pas la prière. C'était un jeune comme les autres qui aimait sortir. Il aimait le rap et était supporter du PSG. Mais du jour au lendemain, il a arrêté de regarder la télévision et a arrêté d'écouter de la musique. Il ne serrait plus la main des filles et faisait sa prière devant son lieu de travail", explique-t-elle. "Je croyais juste à une énième recherche d'identité. C'était déjà arrivé par le passé, alors je me suis dit que c'était passager", continue Mouna.


De plus, début 2014, les départs vers la Syrie des jeunes Français sont plus rares, moins médiatisés aussi. Sami rassure les siens quand il leur  annonce qu'il a choisi de partir le jour de son anniversaire (NDLR le 2 mai 2014) faire son pèlerinage à la Mecque. Ravie, la famille décide alors de fêter ça en organisant un grand repas.


Mais Mouna commence à avoir des doutes quand son frère donne son ordinateur à son cousin. "Je trouvais cela louche qu'il veuille à tout prix s'en débarrasser", relate la jeune femme. Mouna, méfiante, demande alors à Sami des informations sur son vol et son ordinateur. Sentant le coup venir, Sami s'envole trois jours avant la date prévue, le 28 avril. Pas pour la Mecque… mais la Turquie.


Le même jour, Mouna reçoit un sms de son frère. "C’est Sami, je suis parti en Syrie, je suis bien arrivé grâce à Dieu". En vérité, il n'est pas encore à destination. Grâce aux messages qu'ils échangent, Mouna arrive à le géo-localiserD’Adana à Akçakale, elle le suit à la trace.


"J'ai alerté l'ambassade de France en leur envoyant plusieurs emails mais ils n'ont jamais donné suite", peste-t-elle. "Les autorités françaises savaient où Sami se trouvait mais ils ont décidé de laisser faire", accuse Mouna. "En vrai, ça leur est égal que des jeunes comme mon frère partent, il n'y a que quand ils reviennent qu'ils s'inquiètent", enchaîne-t-elle.  


Son employeur, au courant de la radicalisation de Sami ne dira rien. "Mon frère parlait souvent à son patron de tous ces gens qui partaient mourir en martyr en Syrie et il ne nous a même pas prévenus", s'énerve encore Mouna. 


Après un mois sans nouvelles de leur fils, la famille renoue le contact avec Sami. Ils apprennent qu'il va se marier avec une Toulousaine qui vient de le rejoindre en Syrie


Onze mois après son départ, Sami meurt dans un banal accident de voiture. Le 9 mars 2015, il percute de plein fouet une camionnette, sur la route de Raqqa en allant chercher une amie de sa femme.

Comme Sami est mort à l’hôpital, la famille dispose d’un certificat de décès délivré par Daech


 


Nadir Dendoune