Ayoub El Khazzani : Loup solitaire jihadiste ou braqueur de diligence ?
Le président français François Hollande a décoré lundi matin quatre hommes qui ont probablement sauvé plusieurs vies en désarmant et maitrisant Ayoub El Khazzani dans un train reliant Amsterdam à Paris. Le jeune homme lourdement armé se défend d’avoir voulu perpétrer un attentat, alors même que le mode opératoire qu’il semblait suivre ne peut que faire penser aux récentes attaques perpétrées par la mouvance jihadiste un peu partout dans le monde.
Maitrisé par un groupe de passagers
Le jeune Marocain qui a fait irruption armé d’une Kalachnikov dans un TGV Thalys, est décrit part son père comme « un bon garçon » qui travaillait dur et ne parlait pas de politique selon au journal britannique The Telegraph, qui l’a interviewé en Espagne où il vit. « Je n'ai aucune idée de ce qui lui est passé par la tête, je ne lui ai pas parlé depuis plus d'un an », a-t-il ajouté.
Son fils Ayoub El Khazzani, 25 ans, est actuellement en garde à vue à Paris et interrogé par les enquêteurs des services anti-terroristes français. Vendredi, il était monté lourdement armé dans le train Thalys en direction de Paris. Les autorités le soupçonnent d’avoir tenté de commettre un attentat et de n’en avoir été empêché que grâce à l’intervention courageuse de quelques passagers.
Deux soldats américains en vacances Spencer Stone et Alek Skarlatos, ainsi que leur ami Anthony Sadler, sont devenus des héros en s’attaquant au forcené avant qu’il ne puisse agir. Ils ont été rejoints par un passager britannique, Chris Norman. Tous les quatre ont été faits chevaliers de la Légion d'honneur lundi matin par François Hollande à l’Élysée. Deux autres passagers, un Français et un Franco-américain, seront décorés ultérieurement, le premier préférant garder l’anonymat et le second étant toujours hospitalisé après avoir été blessé par balle en luttant contre Ayoub El Khazzani.
Parcours de radicalisation ou errance d’un paumé ?
Outre sa présence, armé, dans le train, ce dernier présente pour les enquêteurs tous les attributs d’un terroriste jihadiste. D’abord petit délinquant à son arrivée en Espagne à l’âge de 18 ans, il se fait remarquer par les services de renseignement espagnols quelques années plus tard en raison de ses contacts avec des islamistes déjà sous surveillance et d’un discours qui se radicalise, notamment sur les réseaux sociaux.
Il voyage ensuite dans plusieurs pays d’Europe, notamment la France, la Belgique et l’Allemagne. Ce sont les autorités allemandes qui le repèrent en mai dernier grâce à l’inscription du Marocain dans un fichier partagé par les polices européennes. Il s’embarque alors pour Istanbul, d’où il est soupçonné d’avoir été en Syrie pour s’entrainer, ce que l’intéressé nie devant les enquêteurs.
Une défense bancale
Pour sa défense, Ayoub El Khazzani explique qu’il a trouvé dans une « valise », dans un jardin public bruxellois. Présenté par son avocate comme un « SDF » ne mangeant pas à sa faim, il aurait alors voulu s'en servir pour détrousser les passagers du Thalys « pour pouvoir se nourrir ». Il dit même être « surpris » par les accusations de terrorisme. Une ligne qui n’est pas du goût des enquêteurs
« Il raconte n’importe quoi » s’exaspère une source proche de l’enquête. « Ses dénégations sont grossières. Cela rappelle les lignes de défense de (Ahmed) Ghlam et (Yassin) Salhi. » Les deux derniers auteurs d’attentats ou de projets d’attentats en France ont également tout fait pour nier la motivation terroriste de leurs actes. Spécialiste de la mouvance jihadiste, le reporter David Thomson, fait la même lecture. « Depuis 1 an les jihadistes adoptent la même ligne en GAV : nier le mobile terroriste espérant une peine moins lourde », a-t-il expliqué sur Twitter.
Pendant ce temps, les autorités belges, sceptiques face au scénario du loup solitaire, sont à la recherche d’éventuelles complicités dans les milieux jihadistes que fréquentait le forcené du Thalys.
Rached Cherif