Avec « Délinquants solidaires », les organisations veulent en finir avec le délit de solidarité
« Si la solidarité avec les étrangers est un délit, alors nous sommes tous délinquants ». Voici le message délivré dans un manifeste « Délinquants solidaires », publié le 12 janvier et signé par plus de 350 organisations associatives ou syndicales sur tout le territoire français. Dès aujourd'hui (8 février) et pendant trois jours, ces organisations mettent en place des rassemblements dans toute la France, avec un moment fort à Paris (9 février). Le message est simple : en finir avec le délit de solidarité.
Héros ou criminels ?
Houssam El Assimi, Jean-Luc Munro, Ibtissam, Rob Lawrie et la liste de ces anonymes, ayant été poursuivis, parfois sanctionnés, pour avoir aidé des migrants en détresse, s'allonge inexorablement depuis deux ans.
« Les citoyens continuent d'aider les migrants, qu'ils soient membres d'associations ou pas (…) On ne va pas leur demander leurs papiers avant de les aider » s'indigne la Cimade. Sauf que cette aide est réprimée par un arsenal de textes n'ayant plus rien à voir avec l'immigration.
Outrage à agent dépositaire de la force publique, injure, rébellion, violences, entrave à la circulation d'un aéronef quand des passagers s'opposent à une expulsion violente dans un avion… Autant de délits faisant des citoyens solidaires, des criminels.
L'exemple le plus flagrant restant le cas de Cédric Herrou, passé devant les tribunaux pour avoir aidé des migrants dans la vallée de la Roya, dont la dernière interpellation pourrait sembler « légèrement » exagérée selon la Cimade : « Chez Cédric Herrou, il y a quelques semaines, un journaliste de Libération s'est fait violemment mettre à l'écart par les gendarmes, la descente chez Herrou est totalement disproportionnée : hélicoptère, fusils mitrailleurs. C'est juste un citoyen qui dispose d'un lieu pour héberger les personnes en détresse et les aide à se déplacer. Nous demandons l'arrêt de toutes les poursuites ». Le délibéré du procès de Cédric Herrou aura lieu vendredi prochain (10 février) à Nice, où se tiendra, dans l'après-midi, un grand rassemblement.
Défaillances de l'Etat
Initialement prévu pour lutter contre les passeurs, le délit d'« aide à l'entrée, à la circulation et au séjour des étrangers en situation irrégulière », est aujourd'hui utilisé pour sanctionner les citoyens venant en aide aux migrants.
Ainsi, le gouvernement, dont la politique d'aide aux migrants n'est pas des plus claires, ni des plus efficaces, entrave la tâche des citoyens désireux d'agir concrètement pour porter secours aux migrants en détresse.
« Ce qui nous inquiète, dans la vallée de la Roya, dans les camps de Roms… c'est que, quasiment pour toutes les personnes poursuivies pour délit de solidarité, ce sont des gens qui pallient aux défaillances de l'Etat. Dans la Roya, les mineurs ne doivent pas être expulsés manu militari, mais ils doivent être accueillis, protégés par l'ASE etc… Nous réclamons que ces actes ne soient pas criminalisés mais au contraire, ils doivent être encouragés, valorisés… Et en aucun cas comparaître devant une juridiction » s'indigne la Cimade.
L'organisation pointe également un problème européen : « La fermeture des frontières, le règlement Dublin, vu ce que ça entraîne comme violation des droits fondamentaux, mise en danger des personnes, ça interroge. Alors que la pertinence de l'aide apportée par les citoyens solidaires, il n'y a aucune raison de la questionner ».
Des rassemblements auront lieu à Lille le 8 février, à Paris le 9 février et à Nice le 10 février, et un peu partout en France. En outre, les citoyens sont appelés à manifester leur solidarité via une campagne digitale disponible à l'adresse suivante : www.delinquantssolidaires.org.
CH. Célinain