Augustin D’Humières : « Ceux qui paieront l’addition ne sont pas les plus favorisés »

 Augustin D’Humières : « Ceux qui paieront l’addition ne sont pas les plus favorisés »

Augustin D’Humières


 


Les professeurs du secondaire sont en grève aujourd’hui. Au cœur de leur colère : la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem. Augustin D’Humières faut partie de ceux qui s’y opposent. Il est professeur de lettres classiques depuis 20 ans, à Meaux, en Seine-et-Marne et le fondateur de l’association « Mêtis » dont le but est de mettre en place un réseau de solidarité entre anciens élèves, écoliers, collégiens et lycéens des établissements de grande banlieue. Interview.


 


LCDL : Vous dites qu’il faut enseigner Homère et Shakespeare en banlieue… C’est d’ailleurs le titre de votre ouvrage, paru aux éditions Grasset.


Augustin D’Humières : C’est une idée qui m’est très chère et que je développe depuis 20 ans. J’ai le sentiment que l’apprentissage du grec et du latin, que l’on réserve traditionnellement à des classes « élitistes », suscite un intérêt considérable auprès de mes élèves. Cela me semble très important, en plein débat sur la réforme du collège, de comprendre que ceux qui vont payer l’addition, ce ne sont pas les élèves les plus favorisés, mais, au contraire, ceux qui ont un besoin impérieux du grec et du latin.


 


Que reprochez-vous concrètement à cette réforme du collège ?


C’est une réforme qui veut marginaliser davantage le grec et le latin. Cela fait 30 ans que droite et gauche tapent sur ces matières. Il ne risque pas d’y avoir de grandes manifestations dans la rue parce que l’on tape sur le grec et le latin ! La droite, par exemple, avait supprimé le concours de recrutement des professeurs de grec et de latin. Aujourd’hui, les profs qui sont là ne seront plus remplacés, le poste fermera, parce qu’il n’y a personne derrière. Désormais, la gauche finit le travail en faisant en sorte qu’il n’y ait plus de véritable enseignement de grec et de latin au collège. Bien sûr, cela n’est pas dit comme ça parce qu’il ne faut jamais de paroles trop abruptes. Cela va maintenant s’appeler des « enseignements interdisciplinaires ». Avec cette réforme,le latin et le grec seront enseignés en commun avec le professeur d’histoire ou de français. Ce sera une sorte de colocation avec un collègue autour d’un projet. Cette réforme prétend ouvrir au plus grand nombre le grec et le latin. Or nous le faisons déjà ! C’est une façon de traiter avec beaucoup de mépris le travail des professeurs de langues anciennes.


 


En quoi consiste l’action de votre association « Mêtis » ?


J’ai fondé en 2003 avec des anciens élèves. Chaque soir, elle accueille une centaine d’enfants d’école primaire et une cinquantaine de collégiens. Ils sont pris en charge par des anciens élèves et des professeurs à la retraite qui leur apportent une aide manifestement extrêmement efficace si l’on en juge par la progression sur les bulletins scolaires. C’est de l’aide au devoir mais également la possibilité de trouver un interlocuteur pour celles et ceux qui souhaitent en savoir plus que ce qui leur est enseigné en cours. Nous leur parlons déjà de l’intérêt que le grec et le latin représentent au collège.






Propos recueillis par Chloé Juhel