Attentat évité de justesse contre une mosquée de Montélimar : l’odieux silence des médias
L’affaire a fait peu de bruit. Elle est pourtant symptomatique à la fois de la recrudescence des actes islamophobes et des limites atteintes par la réponse sécuritaire à la menace d’attentat. Le 2 avril, quatre lycéens étaient mis en examen après avoir reconnu leur intention de mener un attentat à l’explosif contre une mosquée de Montélimar.
Attentat à l’explosif projeté par des lycéens
Placés en garde à vue après avoir été dénoncés par l’un des leurs, quatre jeunes de l’École des pupilles de l’air (EPA), un établissement dépendant du ministère de la Défense, ont été mis en examen pour « association de malfaiteurs ». Ils ont rapidement reconnu les faits devant les gendarmes, selon une information du Dauphiné libéré.
Ils prévoyaient de faire exploser un engin artisanal contre la mosquée Essalam de Montélimar. Les perquisitions ont d’ailleurs permis de saisir du matériel de fabrication pour réaliser une bombe et un plan. Ce sont les attentats de janvier à Paris qui ont donné un coup d’accélérateur au plan des adolescents, jusqu’à ce que l’un d’eux, paniqué, alerte son établissement qui saisit alors la gendarmerie.
« L'armée de l'air est scandalisée par le comportement de ces jeunes, dont les intentions ne correspondent pas aux valeurs de l'Armée de l'air, ni à celles enseignées dans l'école », a réagi le colonel Jean-Pascal Breton, du Service d'information et de relations publiques de l'armée de l'air (Sirpa).
Continuer malgré tout
Du côté de l’Association cultuelle musulmane de Montélimar (ACMM), qui gère l’édifice, on tente de faire face à l’inquiétude légitime des fidèles. Interrogé par le site Saphirnews, le président de l’association, Mohamed Semghouni Gherissi, explique qu’il entend « rassurer et continuer les projets », même s’il ne cache pas être « extrêmement choqué » par l’affaire.
L’ACMM a d’ailleurs suspendu temporairement les cours pour enfants et certains cours pour adultes en langue arabe et en religion dispensés à la mosquée. Il s’agissait moins d’une mesure de précaution que de « faire face à l’affluence des journalistes et préserver nos enfants », affirme M. Gherissi. Les prières, elles, ont été maintenues, en attendant un retour à la normale le 11 avril.
Ce drame évité de justesse montre les limites du plan Vigipirate. Maintenu au niveau « Alerte attentat » en Ile de France et dans les Alpes Maritimes et au niveau « Vigilance renforcée » sur le reste du territoire, le dispositif est censé sécuriser 830 sites sensibles, dont un grand nombre de lieux de culte juifs et musulmans. Mais en mobilisant plus de 10 000 hommes en permanence, Vigipirate tire dangereusement sur les capacités structurelles des forces de l’ordre et de l’armée. Plusieurs compagnies de CRS, à Toulouse, Lyon et Nancy, se sont mises collectivement en arrêt maladie pour protester contre l’éprouvant rythme de travail induit par leurs missions supplémentaires.
Deux poids, deux mesures
L’affaire de Montélimar met en lumière les risques malgré la présence massive d’hommes et de femmes armés dans les rues. C’est aussi un indicateur de la persistance d’un climat islamophobe, notamment chez les jeunes, un mal contre lequel Vigipirate ne peut au mieux qu’atténuer les symptômes. Même si les chiffres sont accablants (147 actes islamophobes recensés pour le seul mois de janvier 2015 contre 133 pour toute l’année 2014, déjà une année record en la matière), les médias en parlent peu, alimentant ainsi l’impression d’un « deux poids, deux mesures ».
L’absence de condamnation ferme des plus hautes autorités de l’État n’aide pas à rassurer une communauté qui se sent déjà largement stigmatisée au sein de la société. À Montélimar, seul le député-maire Franck Reynier (UDI) a manifesté son soutien à ses administrés musulmans en allant visiter l’ACMM. « Même la police et la gendarmerie n'ont pas fait de visite à la mosquée (…) C'est scandaleux », s’insurge le président de l’association.
Rached Cherif