Annexe du TGI de Bobigny à Roissy : vers une justice d’exception pour les étrangers

 Annexe du TGI de Bobigny à Roissy : vers une justice d’exception pour les étrangers

L’annexe du tribunal du TGI de Bobigny se trouve aux bords des pistes de l’aéroport de Roissy. KENZO TRIBOUILLARD / AFP.


Après un énième report, l'ouverture très controversée d'une annexe du Tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny au bord des pistes de l’aéroport de Roissy, accolée à la zone d’attente de Roissy (dite ZAPI), est prévue pour demain (26 octobre). Le gouvernement ouvrira-t-il cette annexe malgré les recommandations du Défenseur des droits et les réticences d'avocats et magistrats ? Cette éventuelle ouverture pourrait marquer la fin de quatorze ans de lutte.


Justice d'exception


Pour l'Observatoire de l'enfermement des étrangers (OEE), composé notamment de membres du Syndicat de la Magistrature (SM) ou encore du Syndicat des avocats de France (SAF), l'ouverture de l'annexe  du Tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny au bord des pistes de l’aéroport de Roissy n'aboutira qu'à une justice d'exception envers les étrangers : « cette annexe n’aura, de justice, que l’apparence puisque les décisions ne concerneront qu'une seule catégorie – des étrangers – à la demande de la police aux frontières poursuivant l’unique objectif de leur enfermement afin de les renvoyer ».


Recommandations du Défenseur des droits


Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, va dans le sens de l'OEE. Dans un communiqué datant du 10 octobre, ce dernier a adressé ses recommandations à Nicole Belloubet, ministre de la Justice, garde des Sceaux, et Monsieur Gérard Collomb, ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur : « Le Défenseur des droits estime que le droit à une juridiction indépendante et impartiale, la publicité des débats judiciaires et les droits de la défense sont susceptibles d’être gravement compromis par le dispositif procédural actuel et les modalités fonctionnelles d’ouverture de cette salle d’audiences délocalisée, située dans une zone d’accessibilité réduite ». Les conditions d'application des droits n'étant pas garanties, le Défenseur des droits « recommande de surseoir à l’ouverture de l’annexe ».


14 ans…


« La volonté de délocalisation de la justice pour les étrangers existe depuis dix ans. Déjà en 2003, naissait le projet d'une annexe du TGI de Bobigny délocalisée en ZAPI » indique Stéphane Maugendre, président du Gisti et avocat spécialisé dans le droit des étrangers. Une importante mobilisation du monde judiciaire a fait reculer le gouvernement de l'époque. Mais en 2010, le projet d'annexe de Bobigny refait surface. Depuis les choses avaient peu bougé mais, malgré les contestations des avocats de Bobigny notamment, en 2013, l'annexe du TGI de Bobigny jouxtant la ZAPI 3 de Roissy et l'annexe du TGI de Meaux accolée au CRA du Mesnil-Amelot sont finalement opérationnelles.


Aujourd'hui, le gouvernement, qui a déjà montré sa capacité à rester imperméable aux avis extérieurs, semble déterminé à ouvrir cette annexe du TGI de Bobigny. C'était annoncé, l'immigration est une priorité du gouvernement, quitte à favoriser les chiffres des expulsions…


CH. Célinain