« Retour en Algérie » : « Apporter la libération par la parole »
Libérer la parole, transmettre une autre histoire de la guerre d’Algérie. Autour de son documentaire « Retour en Algérie », le réalisateur Emmanuel Audrain propose une série de rencontres avec d'anciens appelés ayant témoigné mais aussi des spécialistes (historiens, journalistes, ancien ministre…). Pendant deux mois, ceux qui ont vécu cette guerre apporteront un nouvel éclairage, mais aussi un message de paix et de fraternité.
Traumatisme
« Retour en Algérie » donne la parole à six membres de l’association "Les anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre". Ces derniers brisent un silence qui a duré de longues années : « C'est un film sur ce que peut apporter la libération par la parole, particulièrement pour des gens qui ont subi un traumatisme dans leur jeunesse (…) Ils se sont rendus compte qu'en se retrouvant ils pouvaient parler. Ils ont ressenti le bienfait de pouvoir parler de ce qui les avait blessé, ce qu'il leur avait fait mal. C'est cet aspect là que le film développe. Et c'est cet aspect là qui m'a intéressé » explique Emmanuel Audrain, réalisateur du documentaire.
Cette réalisation porte donc son regard sur des hommes, leur traumatisme, plus que sur la guerre d’Algérie à proprement parler. Ce qui explique la faible présence d’anciens combattants algériens : « Les anciens appelés français me disent « mais tu n'as pas fait parler les Algériens ! ». Dans le film, il y a un ancien combattant algérien mais il ne parle pas de ce qu'il a vécu lui, c’est plutôt une réflexion sur ce qu'a été la colonisation et son souhait qu'il y ait des rapports d'égal à égal ! ».
Transmettre
Aujourd’hui, les membres de l’association perçoivent une retraite du combattant mais ne la gardent pas pour eux : « C'est pas une somme très importante, de l'ordre de 700 € par an. Les gens qui ont lancé cette association sont quatre éleveurs de brebis qui ont des retraites d'environ 700 € par mois. L'équivalent d'un treizième mois qu’ils reversent dans un pot commun pour soutenir des actions solidaires en Algérie » précise le réalisateur.
Des actions caritatives en Algérie, mais également des rencontres, notamment en milieu scolaire, autour du documentaire où les anciens appelés partagent leurs mémoires. Ainsi, l’esprit du documentaire se prolonge dans les salles, en accueillant également d’anciens moudjahidins : « Lors de la deuxième projection, la conférence se tiendra avec un ancien appelé, ami avec un ancien moujahid, qui sera également présent. Mohamed Khaznadji et Xavier Jaquey ont l'habitude d'intervenir ensemble (…) ils sont encore vivants et ils sont des témoins précieux » selon Emmanuel Audrain.
Outre, les acteurs du documentaire, le réalisateur a invité des historiens, des journalistes ou encore l’ancien ministre Pierre Joxe, à intervenir lors des rencontres. Des personnes qu’il a rencontrées tout au long de plusieurs années de travail sur ce documentaire : « Je pensais que ça pouvait éclairer l'ensemble de la démarche ».
« Retour en Algérie » a déjà été projeté plus de 120 fois et Emmanuel Audrain a toujours tenu à être présent lors de chaque date. La prochaine série de projections, et de rencontres les accompagnant, aura lieu au cinéma Luminor (Paris) à partir de samedi prochain (21 janvier).
CH. Célinain