Pétition massacre de Sétif : «Il est insupportable pour nous que le 8 mai soit un jour de fête»
Le 8 mai prochain comme chaque année, la France commémorera la victoire des alliés sur l'Allemagne nazie en 1945. Cette même date du 8 mai 1945 correspond au massacre qui a eu lieu à Sétif dans une Algérie encore française par le gouvernement de l'Hexagone. La France oublie cet épisode sanglant de son histoire. Pour obtenir la reconnaissance de ce massacre par l'Etat français, l'association Les Oranges, basée à Nanterre, a lancé une pétition en ligne. A un mois du 8 mai, le président de l'association M'Hamed Kaki précise les objectifs de cette pétition.
LCDL: La commémoration des 70 ans du massacre de Sétif était-elle l'occasion rêvée de parler de cet événement oublié ?
M'Hamed Kaki: Le peuple algérien a contribué à lutter contre le fascisme. Les tirailleurs algériens, marocains sénégalais et autres ont lutté très durement. Et à leur retour, le 8 mai 1945, alors que c'est la fête, la libération, la France a décidé, en guise de remerciements, de massacrer les Algériens à Sétif, parce qu'ils avaient demandé un peu de liberté et d'égalité (…) Les quarante personnes assassinées par l'armée française et tous les supplétifs de l'époque, qui étaient des milices européennes, étaient des civils. Ceux qu'on appelait des FMA (Français musulmans d'Algérie). Et il faut se rappeler que nous étions dans un département français. Cette reconnaissance concerne l'ensemble des Français, parce que ce crime d'Etat fait partie de l'histoire de France.
Que demandez-vous au travers de cette pétition?
Ce que l'on demande c'est la reconnaissance, l'ouverture de toutes les archives, y compris les archives présidentielles, à tous (Citoyens, historiens…), un lieu de mémoire pour se souvenir de ce moment terrible, ce moment de résistance, et enfin que ce soit présent dans les manuels scolaires. Il faut que les jeunes d'aujourd'hui apprennent cette histoire, qu'on leur a cachée. A l'occasion de ces 70 ans, il est insupportable pour nous, héritiers de l'immigration coloniale et singulièrement algérienne, que le 8 mai soit un jour de fête, alors que c'est un jour noir pour les Algériens.
Cette reconnaissance vous semble-t-elle indispensable pour un meilleur vivre-ensemble en France?
Il faut crever l'abcès de l'histoire pour pouvoir construire sur des bases solides. C'est important pour le vivre-ensemble, le bien vivre-ensemble, et plus encore, ce que j'appelle le « être-ensemble », parce que l'on peut vivre les uns à coté des autres sans se parler, sans se connaître… Nous sommes héritiers de l'immigration coloniale et le mot héritier est important, parce que nous avons hérité de gens qui ont combattu pour la dignité, la liberté. Il faut que les enfants d'aujourd'hui et de demain s'inscrivent dans une histoire de la fraternité, pour consolider les liens entre les peuples algérien et français.
Au-delà de cette pétition, le travail de la mémoire est un rouage essentiel de l'action de votre association…
Nous nous inscrivons dans un processus qui durera des années. Cette initiative s'inscrit dans le travail des Oranges au quotidien, nos conférences, débats, colloques. Il s'agit de permettre l'accès au savoir pour les citoyens. Dans le cadre de ces 70 ans, nous allons nous exprimer et le 8 mai prochain, il y aura des rassemblements pacifiques, deux minutes de silence, des recueillements. Il faut des rassemblements en face des mairies, un lieu symbolique.
Le premier mort algérien du 8 mai 1945 a été abattu devant la mairie de Sétif, lieu de l'Egalité, Fraternité… (…) Jusqu'à la reconnaissance, nous allons travailler dans les collèges, les lycées partout, pour faire de l'éducation, diffuser la connaissance, pour que l'histoire soit connue et reconnue. Et pour nous, la reconnaissance n'est pas la repentance. Nous demandons juste à monsieur Hollande et au gouvernement français de reconnaître solennellement, pas par un communiqué laconique.
Propos recueillis par F. Duhamel