Agression islamophobe à Bourg-en-Bresse : plainte perdue et lenteurs administratives

 Agression islamophobe à Bourg-en-Bresse : plainte perdue et lenteurs administratives

Illustration – Crédit : AFP / JACQUES DEMARTHON


 


En janvier dernier, un couple et leurs enfants ont été victimes d'une agression à caractère raciste. Un peu plus de cinq mois plus tard, la plainte n'a toujours pas abouti. Il semblerait que la communication entre le TGI de Bourg-en-Bresse, lieu de l'agression, et celui de Lille, lieu du dépôt de plainte, soit plus que chaotique. En attendant, c'est toute une famille qui est touchée psychologiquement par cette agression. 


 


« Sale race »


Le 3 janvier dernier, 8h du matin, péage de La Boisse, non loin de Bourg-en-Bresse (01). De retour de vacances, la famille Chtioui est agressée sans raison par des automobilistes Belges. Après avoir cassé la vitre de l'arrière du véhicule où se trouvaient les enfants, les agresseurs s'en prennent au père de famille. Sa femme tente de lui venir en aide, suppliant ces derniers d'arrêter, ils lui répondent : « Je m'en fous, je vais le buter. Sale race, vous êtes tous les mêmes » selon Mme Chtioui. Les agresseurs ne sont partis que lorsque la femme, qui a également reçu des coups, a menacé d'appeler la police.


 


Première plainte


Après être sortis de l'hôpital à Lyon et avoir rallié Lille, le 5 janvier, le couple va porter plainte au commissariat de Faches-Thumesnil (59), leur lieu de résidence, avec l'immatriculation du véhicule des agresseurs ainsi que les certificats médicaux. Il a été notifié à Mme Chtioui que son dossier était transmis au parquet de Bourg-en-Bresse le 8 janvier. Par la suite, l'attente était étrangement longue : « Au bout de trois mois, j'ai constaté que mon fichier n'a jamais été enregistré au fichier national des plaintes, ma plainte était soit disant perdue. J'ai été au TGI de Lille, ils ont fouillé  les archives et m'ont dit que la plainte n'était jamais arrivée » explique la plaignante. Cette dernière a dû retourner au commissariat de Faches-Thumesnil où un agent lui a parlé d'un « problème informatique », le lendemain le TGI de Lille avait le dossier…


 


Choquée


Devant les lenteurs administratives, la plaignante décide d'envoyer une lettre recommandée directement au TGI de Bourg-en-Bresse. Là encore, les délais de communication des pièces entre  Bourg-en-Bresse et Lille sont anormalement longs : « Ce dossier a été réceptionné à Lille la semaine dernière, le 11 mai. J'étais choquée.Un mois et demi au lieu d'une semaine ». Outre ces lenteurs, d'autres difficultés se présentaient. La récupération de la vidéo surveillance du péage, valable trente jours, est devenue impossible à cause de la perte de temps. Mme Chtioui a dû refaire une plainte séparée pour prouver qu'elle avait, elle aussi, été victime de coups. Quand cette dernière est allée voir le défenseur des droits, début avril, ce dernier n'a pas été des plus coopératifs : « Quand je suis stressée, j'ai tendance à jouer avec mon téléphone. Ce jour-là, j'ai répondu à un message et il pensait que je l'enregistrais. Il a coupé court à la réunion ».


 


Trop cher ?


« Police, avocats, TGI, tous m'ont dit « le dossier sera classé parce qu'un mandat européen coûterait trop cher à l’État. Ce sont des belges, on ne peut rien faire » » raconte la plaignante. De Lille à Bourg-en-Bresse, tout le monde se renvoie la balle. Depuis deux mois, la famille Chtioui est aidée par le CRI (Coordination contre le racisme et l'islamophobie) : « Nous sommes impuissants. Nous avons pris un avocat mais il attend qu'il y ait une décision qui se fasse a niveau du TGI (…) Nous essayons de voir avec une association belge qui est à peu près dans le même créneau que nous pour voir ce qu'ils peuvent faire. Mais je ne vois pas ce qu'ils pourront faire de plus, si la justice ne fait pas son travail… » explique Driss Samir, du CRI.


 


Rien lâcher


Depuis cette histoire, Mme Chtioui confesse avoir eu une dépression post-traumatique. Les quatre enfants du couple sont eux aussi touchés psychologiquement. Malgré tout, la plaignante ne veut rien lâcher : « Parfois j'ai limite envie d'abandonner tellement je suis épuisée moralement (…) Je n'ai pas envie de lâcher. J'ai beaucoup d'éléments, une plaque d'immatriculation. Je ne demande pas grand chose, je ne demande que la justice (…) Ils m'ont pourri la vie ».


 


Selon Mme Chtioui, aujourd'hui c'est le TGI de Bourg-en-Bresse qui a tous les éléments. A priori, il faudra encore un mois et demi pour que le dossier soit pris en compte. Enfin, si les délais sont respectés…


 


F. Duhamel