France/Afrique. L’heure des indépendances a sonné

 France/Afrique. L’heure des indépendances a sonné

Le président français Emmanuel Macron accueille le président nigérien Mohamed Bazoum avant un déjeuner de travail au palais présidentiel de l’Elysée à Paris, le 16 février 2023. Ludovic MARIN / AFP

La France avait-elle besoin de ce nouveau camouflet pour comprendre que quelque chose a vraiment changé dans ses rapports avec l’Afrique ? Au Niger, l’Assemblée nationale du pays vient d’adopter à l’unanimité, le 22 juin, un nouvel hymne pour remplacer « La Nigérienne », qui était utilisé depuis l’indépendance du pays.

Intitulé « Pour l’honneur de la patrie », il remplace ainsi « La Nigérienne » écrit par le Français Maurice Albert Thiriet en 1961, un an après l’indépendance du pays et mis en musique, par d’autres Français, Robert Jacquet et Nicolas Abel François Frionnet ! Les critiques visent les vers, « Soyons fiers et reconnaissants / De notre liberté nouvelle ! », marquant une inféodation à la France, ancien colonisateur du pays. Difficile de ne pas voir dans la colère des Africains un message clair à la France qui continue de voir le continent avec les œillères du passé.

Si l’Hexagone est tant décrié aujourd’hui, c’est que la tutelle imposée par Paris sur les capitales africaines ne passe plus. A commencer par le Maghreb où Paris n’a plus d’interlocuteurs depuis que le gouvernement Macron a tenté « de jouer Alger contre Rabat et vice versa », avec, à la clé, chantage aux visas, campagne de presse diffamatoire et autres manipulations du Parlement européen.

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Avec le Maroc, c’est la rupture totale, au point où dès septembre prochain, le royaume a décidé de tourner complètement le dos à l’ancienne puissance coloniale en généralisant l’enseignement de l’anglais dans tous les collèges du royaume, publics ou privés. Une mesure accueillie très positivement par l’ensemble de la population marocaine, même s’il ne faut pas sous-estimer la capacité de nuisance de ce qu’on peut appeler « la mafia francophone », « ces missionnaires » vendus corps et âme à la France et pour qui l’heure du grand remplacement du français par l’anglais n’est pas seulement le signe d’un désamour des Marocains pour la langue de Molière, mais il s’agit aussi d’un tremblement de terre qui risque de secouer la branche sur laquelle ils sont assis, sachant que ce statut de « défenseur de la francophonie » est aussi un « sésame ouvre-toi » pour des postes de responsabilité particulièrement juteux pour leur progéniture.

Bien sûr, derrière la pratique de la langue française, « notre butin » comme dirait Kateb Yacine, il y a toute une culture, ces grands poètes, auteurs et autres philosophes français que nous avons lus, aimés, mais cette condescendance à la limite du racisme, exacerbée par le comportement décomplexé d’Emmanuel Macron qui se permet de traiter le roi du Maroc par-dessus la jambe prétextant l’épisode Pegasus, alors que le Maroc a fourni les preuves qu’il n’y était pour rien. Ce comportement, qui a eu un impact certain sur l’image de la France au Maroc, est de la responsabilité de celui qui est derrière le « sentiment anti-français » en Afrique.

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Au final, le style arrogant de Macron ne passe plus et désormais les réactions négatives de l’opinion publique du continent font de plus en plus la part belle aux gaffes diplomatiques du locataire de l’Elysée. De plus, malgré les discours mâtinés « libertés, de valeurs démocratiques » de son chef d’Etat, la France apporte toujours un soutien sans faille à la vieille garde, à des dirigeants militaires ou civils qui manipulent les règles démocratiques et semblent peu disposés à reconnaître les forces populaires qui veulent du changement, même s’il faut néanmoins rappeler que les causes du malaise actuel de la France remontent également aux erreurs des prédécesseurs de Macron. En la matière, Sarkozy, Hollande n’ont pas démérité. Et ce, au moment où la présence militaire française alimente un sentiment de mécontentement de plus en plus répandu en Afrique.

Ces signes ne trompent pas. Au lieu de s’offusquer de ces décisions souveraines de ces ex-colonies françaises concernant la réappropriation de leur histoire, les élites de l’Hexagone devraient plutôt prêter l’oreille à ces bruissements qui remontent de l’Afrique profonde. Les hymnes nationaux existent depuis l’antiquité où chanter « à la gloire de » était essentiellement au service de l’aristocratie au pouvoir.

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Qu’ils aient été imaginés pour rassembler et unifier ou qu’ils aient été créés pour distiller des messages forts et fédérateurs, les hymnes sont des poèmes forts dont on ne peut ignorer la portée symbolique. Peu importe les paroles, la musique, les mots utilisés aujourd’hui par les Africains sont lourds de reproches envers la métropole, envers cet ex-pays colonisateur qui n’a plus les ambitions de ses rêves de grandeur oubliant sans doute que les jeunes Africains d’aujourd’hui sont les enfants de parents qui ont vécu dans leur chair la période coloniale et ses humiliations.

Si les chefs d’Etat africains restent suspendus aux manœuvres de l’équipe Macron en direction du continent, pour les populations, les questions restent nombreuses et celle qui revient le plus : c’est à quand l’indépendance, la vraie !