Fonds Marianne : la commission d’enquête du Sénat rend ses conclusions

 Fonds Marianne : la commission d’enquête du Sénat rend ses conclusions

Marlène Schiappa, Mohamed Sifaoui et le préfet Christian Gravel, trois figures centrales du fonds Marianne

La gestion opaque du Fonds Marianne faisait depuis plusieurs semaines l’objet d’une enquête du Sénat. Ce dernier vient de rendre ses conclusions, et elles sont particulièrement accablantes. Les appels à la démission de Marlène Schiappa se multiplient.  

« Le manque de rigueur, l’opacité et la désinvolture ont conduit au fiasco » : la commission d’enquête du Sénat a rendu hier 6 juillet ses premières conclusions, cinglantes et sans équivoque, au sujet du Fonds Marianne contre le séparatisme, un dispositif controversé mis en place hâtivement en 2021 par Marlène Schiappa.

Reportée à deux reprises dont une fois pour cause de perquisition à son domicile, l’audition de Mohamed Sifaoui, journaliste et ancien directeur des opérations de l’USEPPM, une association mise en cause dans l’affaire du Fonds Marianne, fut une audition très houleuse. De nombreux observateurs ont qualifié l’attitude de Sifaoui comme étant hautaine et versant dans une certains défiance

« Le constat est sans appel sur la dérive de ce que nous appelons “un coup politique” », a asséné lors d’une conférence de presse le rapporteur de la conférence de presse, le sénateur (LR) Jean-François Husson.

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Ce fonds doté de 2,5 millions d’euros avait été créé en avril 2021 par Marianne Schiappa, alors ministre déléguée à la Citoyenneté, quelques mois après l’assassinat du professeur d’histoire Samuel Paty par un jeune radicalisé, pour financer sur Internet des « contre-discours » à l’islam radical.

 

Des promesses non tenues

« Nous avons le sentiment que le Fonds Marianne a été conçu comme une grande opération de communication » par la ministre, a encore observé Jean-François Husson. La « promesse » inhérente à ce dispositif « n’a pas été tenue, ce qui relève pleinement de la responsabilité politique de la ministre », a-t-il poursuivi.

« Nous l’avons longuement auditionnée […] je ne l’ai jamais vue proposer à notre commission d’enquête des éléments tangibles. Elle a eu beaucoup de pertes de mémoire, il y a certaines prises de parole qui sont consternantes de mon point de vue, et affligeantes », a étrillé le sénateur.

Pour le rapporteur, certaines des associations ayant bénéficié du fonds « ont effectué un vrai travail », mais ce n’est pas le cas des deux principales d’entre elles. Finalement, le « label » du Fonds Marianne « devient un véritable fardeau, voire un boulet attaché à l’allégorie de la République », selon lui.

 

Processus de sélection « bâclé, opaque et fragmenté »

Autre aspect mis en cause, le processus de sélection des associations bénéficiaires du fonds de 2,5 millions d’euros, mis en place quelques mois après l’assassinat du professeur Samuel Paty, a été « bâclé, opaque et fragmenté » d’après les conclusions su Sénat : le délai de l’appel à projets a été ramené de 70 à 20 jours, ce qui ne permettait pas aux associations de « présenter des projets véritablement construits ». Des structures qui ne présentaient « aucune garantie quant à leur sérieux et à la qualité de leur action » ont « non seulement été sélectionnées mais ont également reçu les subventions les plus importantes », insistent-ils.

Ainsi, l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM) présente un « bilan insignifiant au regard de la subvention » de 355 000 euros qui lui a été promise, selon le rapport : elle ne compte que 1 763 abonnés au total sur Twitter, Tiktok et Instagram. Quant à « Reconstruire le commun », géré par Ahlam Menouni, qui a obtenu 330 000 euros, il s’agit d’une « erreur de casting » selon les sénateurs. Les vidéos produites et mises en ligne par cette association ont en effet « ciblé des personnalités politiques », généralement opposée au parti au pouvoir, ce qui est « inacceptable » de la part d’une structure recevant des financements publics.

La France insoumise (LFI) a plaidé pour que l’intéressée, aujourd’hui secrétaire d’État chargée de la Vie associative, quitte le gouvernement. « Démissionnez. Par égard pour la mémoire de Samuel Paty », a ainsi tranché la patronne des députés LFI, Mathilde Panot, sur Twitter.

Christian Gravel, ex-patron du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), a lui récemment démissionné, après la publication d’un rapport accablant de l’Inspection générale de l’administration (IGA), dénonçant, entre autres, le « traitement privilégié » par le CIPDR de l’USEPPM.