Fairouz, faite Commandeur de la Légion d’honneur par Emmanuel Macron

 Fairouz, faite Commandeur de la Légion d’honneur par Emmanuel Macron

Fairouz, le 7 octobre 2010 lors d’un concert à Beyrouth JOSEPH EID / AFP

Elle est la voix d’unité d’un pays fragmenté. La voix d’accalmie d’un peuple meurtri. Fairouz, la légende de la chanson libanaise est peut-être l’une des dernières figures à laquelle ce peuple que l’on a fracturé puisse se rattacher. La rencontre entre Emmanuel Macron et Fairouz prend ici tout son sens. À son arrivée à Beyrouth le lundi 31 août, son deuxième voyage à la capitale libanaise depuis la tragique explosion du 4 août, le chef d’Etat français s’est empressé de se rendre au domicile de l’icône, faite Commandeur de la Légion d’honneur à cette occasion.

« C’était une rencontre très belle et très forte », a déclaré Emmanuel Macron à l’antenne d’une télévision locale, à l’issue d’une visite qui aura duré plus d’une heure. « Je lui ai dit tout ce qu’elle représentait pour moi, pour le Liban que nous aimons et que tout le monde attend, une nostalgie que tout le monde ressent », a-t-il ajouté.

Fairouz, le Liban et les Libanais

« Je t’aime ô Liban, ma patrie je t’aime. Avec ton nord, ton sud, ta vallée, je t’aime […] Une seule soirée devant ta porte, m’est plus précieuse qu’une année en exil. Je t’aime, ô mon Liban, ô ma patrie. Ils m’ont demandé ce qui se passe dans le pays des fêtes, devenu feu et bombardement. Je leur ai répondu que mon pays était entrain de renaître : le Liban digne au peuple battant ! » Bhebbak ya Lebnane, une de ses chansons les plus mythiques qu’elle chantera pour son pays et son peuple, alors plongés en pleine guerre civile (1975-1990), le coeur gonflé de douleur notamment à l’Olympia en 1979 devant un public en larmes. « Quand vous regardez le Liban aujourd’hui, vous voyez qu’il ne ressemble aucunement au Liban que je chante », avait-elle déclaré péniblement au New York Times en 1999.

Mais d’un pays en ruines, cette femme ne s’exilera pas. D’un Liban multi-confessionnel, elle s’adressera à toutes les croyances. De dirigeants fragmentaires, elle s’éloignera et opposera son silence. Un silence qui aura duré 18 ans. Parce que Fairouz n’a jamais voulu être instrumentalisée par un camp ou un autre, elle gagnera respect et amour de ses compatriotes jusque dans le bruit assourdissant des destructions qui n’ont pas pu taire ses musiques d’antan. Lorsqu’elle reviendra en 1994 et remontera sur la scène libanaise à l’issue de la guerre, elle réunira des dizaines de milliers de Libanais au centre d’un Beyrouth défiguré, dans un concert grandiose.

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Une artiste humaniste

La cantatrice à la voix de velours n’aura de cesse de chanter la joie et la tristesse, la guerre civile et la paix, l’amour et la douleur, la tolérance et l’intégrisme, la liberté et la captivité, l’unité et les fractures, la pauvreté et ses épreuves, la patrie et ses souffrances. Sa musique, composée et écrite par les frères Rahbani, outrepassera les frontières et Fairouz chantera également les déchirements de la Syrie et les malheurs de la Palestine avec sa célèbre Sanarjiou Yawman dédiée aux réfugiés palestiniens, ou encore La fleur des cités, consacrée à Jérusalem. Elle donnera également vie aux textes de grands poètes arabes, comme le Libanais Gibrane Khalil Gibrane, Saïd Akl ou encore l’Egyptien Ahmed Chawki. Les chansons de Fairouz trouveront leur écho auprès de l’ensemble des peuples arabes qui l’aduleront autant que les Libanais, ce monde arabe avide de paix, de stabilité et de cohésion. 

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Une femme discrète

Sobre dans son style et retenue dans son attitude, l’icône a été une femme discrète et réservée tout au long de sa carrière. Ex-épouse de son mentor Assy Rahbani, avec lequel elle aura eu quatre enfants et dont le fils Ziad Rahbani deviendra son compositeur à la mort d’Assy, Fairouz a toujours rechigné à s’épancher sur sa vie privée et ne donnera que de très rares interviews. « En réalité, elle est loin de l’image de Madone froide qu’elle projette sur scène. Ce n’est que timidité et sérieux. Elle répugne la vulgarité et l’invasion de sa vie privée », avait expliqué la journaliste Doha Chams, la plus proche collaboratrice de la chanteuse qu’elle qualifie de « très humble ». « Si vous regardez mon visage lorsque je chante, vous verrez que je ne suis pas là. Je pense que l’art est comme la prière », avait révélé dans un autre entretien Fairouz, qui chante comme elle se comporte, confiant par là même qu’elle était « très croyante ».

Fairouz, la légende

De son vrai nom Nouhad Haddad, Fairouz, ou « la turquoise », est née en 1934 dans une famille chrétienne. Avec 60 ans de carrière et des tournées dans le monde entier, du Liban en Amérique du Sud et du Nord, en passant par la Jordanie, la Syrie, le Maghreb ou encore l’Angleterre, décorée au Liban, en Jordanie, en Syrie, en Palestine ou encore en France par la Légion d’honneur et faite Commandeur des Arts et des Lettres par Jack Lang, alors ministre de la Culture, Fairouz est considérée comme la dernière légende vivante de la chanson arabe depuis la disparition en 1975 de la diva égyptienne Oum Kalthoum. Aujourd’hui comme hier, ses chansons continuent à faire battre le coeur du monde arabe. Tristement, sa légendaire Li Beirut écrite en 1983 résonne encore haut et fort au Liban. 

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« À Beyrouth, de mon cœur un salut à Beyrouth. Et des baisers à la mer et aux maisons. À un rocher qui ressemble au visage d’un ancien marin. Elle est, de l’âme du peuple, du vin. Elle est de sa sueur, du pain et du jasmin. Alors comment est devenu son goût. Un goût de feu et de fumée ? À Beyrouth, une gloire des cendres. À Beyrouth, d’un sang à un enfant qui a été porté sur sa main. Ma ville a éteint ses lumières. Elle a fermé sa porte, elle est restée, le soir, toute seule. Toute seule la nuit. Tu es à moi, tu es à moi, Ô enlace-moi, tu es à moi. Mon drapeau, la pierre de demain et les vagues d’un voyage. Elles ont fleuri, les blessures de mon peuple ont fleuri. Les larmes des mères. Tu es à moi Beyrouth, tu es à moi. Ô Beyrouth, enlace-moi ».

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