Exposition « Juifs et musulmans, de la France coloniale à nos jours » à Paris
Loin d’avoir toujours été problématiques, les relations entre juif et musulmans de France sont en réalité anciennes et changeantes. Avec son exposition « Juifs et musulmans de la France coloniale à nos jours », le Musée de l’histoire de l’immigration à Paris propose une plongée dans cette histoire aussi complexe qu’importante pour comprendre la situation actuelle.
L’exposition « Juifs et musulmans, de la France coloniale à nos jours » se tient du 5 avril au 17 juillet au Musée de l’histoire de l’immigration de la Porte dorée à Paris. Elle apporte un regard historique et nuancé sur un siècle et demi de relations complexes et sensibles entre deux communautés. Cet événement tentant de « conserver des passerelles » est inédit.
« C’est la première fois qu’on tente cette aventure intellectuelle difficile. Celle de l’histoire des rapports entre juifs et musulmans », qui a « une très grande longévité », affirme l’historien Benjamin Stora, commissaire général de l’exposition. Celle-ci met l’accent pas simplement sur les affrontements (…) mais sur les possibilités de transmission d’une mémoire commune, sans naïveté », souligne-t-il.
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Ce projet, en outre, « prolonge » l’exposition « Juifs d’Orient, une histoire plurimillénaire » qui vient de se terminer à l’Institut du monde arabe (IMA). Il y apporte toutefois avec « une dimension complémentaire » liée à « l’histoire politique, culturelle, sociale de la France », ajoute Mathias Dreyfuss, historien, commissaire exécutif.
Remonter l’histoire pour comprendre le présent
Le parcours s’organise en trois grandes périodes avec de nombreuses illustrations : photos, affiches, tableaux, vidéos, etc. D’abord, de 1830 à 1914, avec l’arrivée de la France en Algérie (1830), puis en Tunisie (1881) et au Maroc (1912).
Lui succède la période de l’entre-deux-guerres, le régime de Vichy, la guerre d’Algérie et la décolonisation au Maroc et Tunisie. Et enfin, des années 1967 à nos jours, mais cette fois sur le territoire de la France métropolitaine. C’est à cette période que d’importantes communautés des deux religions s’établissent dans l’hexagone. La France compte d’ailleurs les communautés juives et musulmanes les plus importantes d’Europe.
La France organise la division
Remonter l’histoire permet ainsi de retrouver les moments charnières de cette cohabitation et le rôle qui a joué la France. C’est du décret Crémieux pris de 1870 qui octroie collectivement la citoyenneté française aux 35 000 juifs d’Algérie, mais pas aux 3 millions de musulmans. Ces derniers restent avec le statut d’« indigène » aux droits civiques et juridiques limités, provoquant chez eux un sentiment d’injustice. Cela aura des répercussions jusqu’en 1962, avec l’indépendance. En effet, les juifs arrivés en métropole seront des rapatriés, puisque citoyens français, alors que les musulmans deviennent des immigrés.
Autre « grand traumatisme », selon M. Stora : les émeutes de Constantine en 1934, qui se soldent par 28 morts (25 juifs, 3 musulmans). On voit aussi combien, à partir de 1967 et la guerre des Six Jours, le conflit israélo-palestinien devient « ce qui cristallise les relations entre juifs et musulmans en France », explique M. Dreyfuss, et ce jusqu’à aujourd’hui.
Une cohabitation harmonieuse possible
Mais l’exposition montre aussi les interactions entre juifs et musulmans sur la scène musicale et artistique, principalement dans l’entre-deux-guerres. Ou encore le soutien (minoritaire) de familles juives engagées du côté algérien durant la guerre d’indépendance.
Enfin, la visite plonge le visiteur dans l’ambiance orientale du quartier de Belleville à Paris dans les années 1970, qui inspira des réalisateurs de cinéma. Elle l’interroge sur le racisme anti-musulman et l’antisémitisme contemporain depuis la seconde Intifada. Les visiteurs termineront leur parcours avec les portraits d’adolescents – musulmans, juifs, chrétiens, athées – d’un même collège de Sarcelles (Val d’Oise), réalisés en 2021 par la vidéaste Valérie Mréjen.