Schengen : victime collatérale du conflit syrien ?
L'Union européenne (UE), divisée, a échoué lundi soir à définir une répartition des réfugiés. Plusieurs pays ont même suspendu l’application des accords de Schengen en rétablissant des contrôles aux frontières. Un précédent qui remet en cause la libre circulation intérieure, l’un des piliers de la construction européenne.
Où est la solidarité européenne ?
Face à l’urgence, les 28 États membres de l'UE, réunis en urgence à Bruxelles lundi soir, ne sont pas parvenus à un accord sur la répartition contraignante de réfugiés. Certes, « une grande majorité d'États se sont engagés sur le principe d'une relocalisation » des 120.000 réfugiés, « mais tout le monde n'est pas pour l'instant à bord », a reconnu le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn. Selon le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, « un certain nombre de pays ne veulent pas adhérer à ce processus de solidarité », dont « les pays du groupe de Visegrad » (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie). Les États membres ont en revanche confirmé qu'ils allaient se répartir l'accueil de quelque 40 000 réfugiés, prévu depuis fin juillet.
L'ONG Amnesty International s'est désolée que « les représentants de l'UE (aient) une fois de plus lamentablement échoué à (…) répondre à la crise », estimant qu'il faut « repenser complètement le traitement de l'asile dans l'UE, et pas de nouvelles barrières et encore plus de chamailleries sur les quotas ». Seule avancée de la réunion : l'Italie et la Grèce ont accepté la mise en oeuvre à leurs frontières de « hotspots », des centres d'accueil chargés d'enregistrer les migrants à leur arrivée en Europe et de distinguer en amont s'ils relèvent du droit d'asile ou de la migration illégale.
L’espace Schengen menacé d’implosion
Dans le même temps, plusieurs pays de l’UE ont rétabli des contrôles à leurs frontières pour filtrer le flux de migrants remontant depuis la Grèce principalement. À Röszke, principale porte d’entrée de la Hongrie, une quinzaine de policiers hongrois ont empêché lundi le passage de demandeurs d’asile pendant que d'autres agents installaient des barbelés. « On avait entendu que les Hongrois voulaient fermer leur frontière, mais on nous disait que ça allait se passer mardi », s'étonnait Hassan, un Syrien d'une trentaine d'années, au milieu d'autres migrants en pleurs côté serbe.
Les accords de Schengen, qui garantissent la libre circulation, ont ainsi été de facto suspendus dimanche par l’Autriche et l’Allemagne. Pour cette dernière, il s’agit d’une volte-face quelques jours seulement après que la chancelière Angela Merkel a annoncé que son pays était prêt à accueillir des réfugiés sans limite de nombre. Devenue dès lors une Terre promise pour des demandeurs d’asile de plus en plus nombreux, Berlin a justifié sa décision par « l'inaction » de l'UE, assurant toutefois que le rétablissement des contrôles ne signifiait pas que l'Allemagne fermait ses frontières aux demandeurs d'asile et aux réfugiés.
Les contrôles d’identité, supprimés depuis une vingtaine d’années aux frontières intérieures de l’espace Schengen, ont provoqué d’importants embouteillages sur les routes entre l’Autriche et l’Allemagne. La décision de Berlin a immédiatement fait des émules parmi les pays de l'Est – Slovaquie et République tchèque – qui rejettent depuis des semaines l'idée de quotas de répartition. La Pologne s'est dite également prête à rétablir des contrôles aux frontières en cas de menace pour sa sécurité ; une mesure prévue dans les accords de Schengen.
Rached Cherif