La peur des réfugiés soudanais en Belgique
Depuis septembre, la polémique fait rage à Bruxelles. L’arrivée de fonctionnaires du président el-Béchir, venus “identifier” 158 réfugiés soudanais présents sur le territoire, provoque les réactions hostiles d’une frange de la population belge. Le politologue Koert Debeuf, à l’origine de ces révélations, explique.
L’affaire débute le 17 septembre dernier, avec l’arrivée à Bruxelles d’une délégation de trois fonctionnaires soudanais. Ceux-ci sont officiellement venus prêter main-forte aux autorités belges dans l’identification de quelque 158 migrants soudanais, en vue de leur expulsion. Le secrétaire d’Etat à la Migration, Theo Francken, déclare lui-même les y avoir invité, suscitant indignation, mobilisation et appels à démission d’une partie de la population.
Un président accusé de crimes contre l’humanité
La polémique est une conséquence de la multiplication récente des opérations de police aux abords du parc Maximilien, à Bruxelles. Des centaines d’hommes, principalement soudanais, souvent en transit vers la Grande-Bretagne, s’y rassemblent depuis le début de l’été et les autorités veulent empêcher la formation d’un campement comparable à l’ex “Jungle” de Calais. “Le Soudan est un régime dont le président Omar el-Béchir est poursuivi par la Cour pénale internationale, pour crimes contre l’humanité. Or, nous avons invité des agents capables d’identifier des opposants, des gens qui veulent fuir ce même régime”, alerte Koert Debeuf, ancien conseiller et porte-parole du Premier ministre belge, chef de cabinet du président de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe et directeur du Timep Europe*.
“Aucune garantie”
Directeur du groupe de réflexion belge Prométhée, avec deux décennies d’expérience en politique européenne et sur le Moyen-Orient, il s’interroge sur la présence à Bruxelles de ces officiels proches du régime soudanais, évoquant leur appartenance aux services secrets : “Je ne comprends pas pourquoi la Belgique a invité une délégation de trois personnes pour identifier des gens. Nous n’avons aucune garantie sur ce qu’il peut se passer avec les autorités soudanaises. Nous n’avons aucune garantie non plus sur le traitement de ceux qui seront impliqués dans ce ‘deal’. A chaque demande d’information sur la délégation, le gouvernement belge refuse de s’expliquer. Dès le début, j’ai affirmé que la délégation soudanaise était composée, entre autres, de membres des services secrets”, affirme Koert Debeuf.
Des accusations que réfute le gouvernement soudanais. Mais que prennent très aux sérieux les réfugiés eux-mêmes, ces derniers ne se sentant plus désormais à l’abri en Belgique. Et Koert Debeuf ainsi que nombre d’experts n’en démordent pas. “Je n’ai quasiment pas de doute sur l’identité de ces fonctionnaires, persiste le directeur du Timep Europe. Mais si je me trompe, que Theo Francken dise qui compose exactement cette délégation. Et il ne le fait pas.” Avant de conclure : “Il faut que la Belgique gère le problème sans les autorités soudanaises. Nous n’avons pas besoin de l’intervention des services secrets de ce pays.”
* Tahrir Institute for Middle East Policy (Timep) est une association qui vient au soutien des pays du Moyen-Orient en voie de transition démocratique.