« Etranger » de Géraldine Aresteanu : un mot qui fait réfléchir

 « Etranger » de Géraldine Aresteanu : un mot qui fait réfléchir

Etranger de Géraldine Aresteanu

La photographe Géraldine Aresteanu propose une série de portraits de travailleurs étrangers, sur le parvis de l’Institut du Monde Arabe mais aussi dans les gares, les centres commerciaux et différents lieux parisiens. Un moyen de se poser la question de la différence et de l’apport de l’étranger en France. Cette série de photos fait aussi l’objet d’un livre touchant, « Etranger » édité aux éditions Alopex. Entretien avec la photographe franco-roumaine.

Le Courrier de l’Atlas : Pourquoi avez-vous effectué cette exposition « Etranger » ?

Géraldine Aresteanu : J’avais envie de parler du mot étranger. Je voulais qu’il soit vu tel que moi je le vois. Ma mère est française et a toujours vécu en Roumanie. Elle est partie là-bas par amour. Du coup, elle a toujours été l’étrangère. Pour moi, le mot étranger est juste magnifique. En France, notamment avec les élections, ce mot est vu avec une connotation très négative. J’ai eu envie de le mettre en lumière. Je bosse depuis plus de 20 ans dans des entreprises. Le multiculturalisme s’y passe bien. Tant que le boulot est bien fait, on s’en fiche d’où viennent les gens. De plus, il y a aussi le cliché qui grince à nos oreilles comme « les étrangers viennent nous piquer notre travail », etc.. Quand je me suis arrêté sur le mot « étranger » pour l’exposition et le livre, on me l’a déconseillé. On le juge stigmatisant. Or, je voulais montrer le caractère multiple de l’étranger et que ceux-ci oeuvrent depuis des centaines d’années pour l’économie française. Sans eux, ca serait bien morose !

LCDA : Chacun a sa définition du mot étranger. Comment le définissez-vous ?

Géraldine Aresteanu : L’étranger est celui que je ne connais pas et que j’ai envie de découvrir. Je ne le lie pas forcément à une nationalité. Chacun a sa propre définition.

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LCDA : Vous photographiez dans un cadre du travail. Pourquoi le cadre du travail ?

Géraldine Aresteanu : C’est lié à un projet précédent sur les mineurs étrangers isolés. Je les photographiais chez les hébergeurs. Ils étaient ensuite scolarisés et s’intégraient dans un milieu professionnel. Je voulais faire une suite à ce projet. Je n’ai pas voulu me concentrer que sur ces personnes. Les étrangers viennent pour des raisons différentes, font des métiers différents,… Je ne voulais pas m’attarder sur les raisons de leur venue en France (amour, nécessité, besoin d’évasion, etc..). Je me rappelle que ma première facture il ya  20 ans, était pour les personnes migrantes. Ce sujet là a toujours été dans ma tête. De plus, l’intégration se fait beaucoup aussi par le travail.

LCDA : Dans votre livre, vous donnez la parole autant au salarié qu’au patron. Pourquoi souhaitiez vous ce double regard ?

Géraldine Aresteanu : Je voulais donner de l’importance à la photo mais aussi au verbatim. Dans cette campagne et ce livre, les patrons s’engagent. Il est important qu’ils puissent dire l’importance pour eux de ces salariés. On a presque un couple.

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LCDA : Le mot étranger a une connotation négative en France alors que ce n’est pas le cas dans d’autres. Pourquoi avons nous un problème avec ce mot dans l’Hexagone ? Est ce juste lié à la campagne présidentielle ?

Géraldine Aresteanu : Je voulais que le projet sorte avant les élections. Les affiches sont présentes dans toutes les gares, des centres commerciaux, etc… Je veux que ces photos aillent vers les gens. Il faut que le mot voyage. On est tous l’étranger de quelqu’un. C’est un projet à faire réfléchir. Les médias ont leur part de responsabilité. Quand on voit les zones où le vote RN avance, il n’y a souvent pas beaucoup d’étrangers. Les gens ont peur. On a peur de ce qu’on ne connait pas.

LCDA : Le mot étranger se définit finalement par rapport à son vécu.

Géraldine Aresteanu : Exactement. Cela dépend de la perception de ce mot. Il y a des gens qui disent que tous les gens qu’ils ne connaissent pas leur sont étrangers. On est toujours l’étranger de quelqu’un !

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