Estelle Youssouffa : « Mayotte est oubliée par la République »

 Estelle Youssouffa : « Mayotte est oubliée par la République »

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Alors que les violences entre bandes rivales se perpétuent à Mayotte, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin s’est rendu sur place pour une visite de 3 jours. Il a proposé des forces supplémentaires de gendarmerie, un centre de rétention pour les mineurs mais aussi de revoir le droit du sol sur l’île. La députée de Mayotte, Estelle Youssouffa revient pour nous sur les besoins du 101ème département français.

Le Courrier de l’Atlas : Etes-vous satisfaite de la visite du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin ?

Estelle Youssouffa : Les orientations qui sont prises vont dans le bon sens pour Mayotte. Nous connaissons ici une situation hors du commun qui exige des solutions radicales. Il y aura le déploiement d’un 4ème escadron de gendarmerie mobile qui devrait permettre de rétablir l’ordre public. Notre île est secouée par une vague de violences inouïes. Deux radars et des intercepteurs vont aussi être mis en place pour protéger nos frontières. Ce sont des avancées.

Estimez-vous que cela est suffisant contre l’immigration clandestine ?

Estelle Youssouffa : Cela va dans le bon sens mais il faut faire plus. Un patrouilleur de la Marine Nationale entre Mayotte et les Comores serait aussi nécessaire. Il existe un appel d’air avec des régularisations trop faciles, par le visa territorialisé, à Mayotte.  Nous demandons la solidarité nationale, notamment pour la question des milliers de mineurs isolés qui sont en danger et le deviennent ensuite pour la société. Beaucoup d’entre eux basculent dans la délinquance. Mayotte n’a pas la capacité d’accueil de tous ces mineurs. Il faut aussi diminuer par voie législative, la proportion de naturalisations des « bébés papiers ».

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En ce qui concerne le droit du sol, faut-il une loi spécifique à Mayotte qui connait une situation particulière ou doit-elle être étendue au territoire national ?

Estelle Youssouffa : Le système d’acquisition de la nationalité française à Mayotte est un système dérogatoire. Il s’agit d’accentuer la dérogation. Il fallait déjà justifier de 3 mois de séjour régulier pour un des parents. La proposition du ministre Darmanin est de la relever à un an.

Mayotte souffre t’elle uniquement de problèmes sécuritaires ?

Estelle Youssouffa : Cela va bien au delà de cette question urgente qui empêche la vie au quotidien. Les autres enjeux tels que l’alignement des droits sociaux sont également très importants. Les chiffres du budget parlent d’eux-mêmes. La dépense de l’Etat par habitant est, à Mayotte, la plus faible de France. On attend des investissements pour la piste longue de l’aéroport, pour la production d’eau potable, d’assainissement, les structures routières. Nous n’avons pas accès à la santé, à l’éducation,.. Mayotte doit sortir de cette situation de survie.

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Depuis la départementalisation de Mayotte en 2011, avez-vous l’impression que la République ne remplit pas ses obligations vis à vis de Mayotte ?

Estelle Youssouffa : Mayotte est oublié par la République. Nous sommes la lanterne rouge de la France à de nombreux égards. Ce n’est pas lié à la départementalisation. Mayotte est française depuis 1841, soit avant Nice et la Savoie. Pour autant, les 3 quarts de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté. Il existe une indigence au niveau des services publics qui est proprement scandaleuse. Nous sommes sur un désert médical. Il n’y a quasiment pas de restauration scolaire alors que la moitié de l’île a moins de 20 ans. La réponse de l’Etat se fait attendre à ce niveau-là.

Comment la France doit elle gérer sa politique étrangère vis à vis des Comores ?

Estelle Youssouffa : Nous devons sortir de cette prise d’otage des Comores sur notre île. Moroni doit reconnaitre que Mayotte est française et abandonner ses revendications territoriales. De son coté, Paris doit cesser de subventionner un Etat qui d’un coté fait de la mendicité et de l’autre, envoie sa population coloniser Mayotte.  Il s’agit d’un chantage migratoire abject qui consiste à envoyer des femmes et des enfants pour appuyer un discours politique hostile. Il faut sortir de cette relation ambigüe et malsaine avec les Comores.

La France doit elle gérer ce dossier de manière bilatérale ou régionale ?

Estelle Youssouffa : Cela fait 40 ans que ça dure. Il faut se remettre en question et aborder une autre approche. La France a payé et les pays régionaux sont indépendants. On ne peut dépendre de Paris et en même temps, lui cracher au visage. Mayotte, c’est la France. Nos voisins (Madagascar, Ile Maurice, Tanzanie, Kenya, Mozambique) doivent accepter cet état de fait. Nous ne pouvons être les otages de la politique comorienne.