Palestine, les impasses de la force israélienne

 Palestine, les impasses de la force israélienne

crédit photos : DR/Actes Sud


Cinquante ans après la guerre de juin 1967, la solution à deux Etats n’a jamais semblé si éloignée en Palestine et en Israël. Dans un bref essai, Jean-Paul Chagnollaud retrace l’évolution des données du conflit et prévient : seule une intervention de la communauté internationale permettra d’en sortir. 


Quelle sera la prochaine étape se ­demande Jean-Paul Chagnollaud ? “L’annexion (par Israël) de tout ou partie de la zone C”, soit près de 62 % de la Cisjordanie, qui représente (avec la bande de Gaza) environ 22 % de la Palestine historique. Telle est la sombre perspective que l’auteur, président de l’Institut de ­recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (Iremmo), esquisse en conclusion du court essai qu’il consacre à la Palestine pour le 50e anniversaire de la guerre des Six-Jours.



De “résistant” à “terroriste”


Une perspective en réalité presque déjà réalisée. “Obsédé par la force”, l’Etat d’Israël, qui fêtera ses 70 ans en mai 2018, est mené par des dirigeants “refusant de voir que toute leur politique ne repose en ­définitive que sur la puissance militaire”, note l’auteur, pour qui cela ne peut conduire qu’à des victoires précaires qui “préfigurent la défaite du vainqueur”.


En attendant, ce sont bien les Palestiniens qui voient, décennie après décennie, s’éloigner l’horizon d’un Etat ­indépendant sur leur terre. Jean-Paul Chagnollaud s’attache à repérer les moments de bascule dans l’histoire récente. Ainsi, après les “confrontations inter­étatiques classiques” de 1948, 1956, 1967 et 1973, l’intervention israélienne au Liban, en 1982, va se révéler être un “tournant majeur” vers des “conflits asymétriques”. Entre-temps, “l’Autre” palestinien s’est vu dépossédé de sa qualité de “résistant”, ­devenant pour les Israéliens un “terroriste”. Ce qui permet à la fois de légitimer à peu près toutes les violences et de capter la solidarité de l’Occident. Frapper toujours plus fort et punir collectivement pour “brûler les consciences palestiniennes” ­propose Moshe Ya’alon, l’ancien ministre israélien. Une ligne dure, illustrée entre autres par le recours massif aux assas­sinats ciblés.


Relevant d’une “accumulation de tactiques sans perspectives stratégiques”, cette “logique de force” ne s’accompagne pas “d’une volonté politique de régler sur le fond le conflit sur la base de la reconnaissance de l’Autre”, déplore l’auteur. Au contraire, la fin des accords d’Oslo, au début des années 2000, va voir Israël entrer dans un troisième cycle politique : après la domination de la gauche, de 1948 à 1977, et la bipolarisation des années 1980-1990, ce sont la droite et l’extrême droite qui occupent désormais le pouvoir sans partage à Tel Aviv.


 


L’issue ? Un compromis


Focalisés sur Jérusalem-Est et instrumentalisant le droit, les dirigeants israéliens mènent une politique de coloni­sation où “la structuration de l’espace est devenue la matérialisation des rapports de force entre une minorité dominante ­appuyée par une armée omniprésente et un peuple dominé encerclé de partout”. Une situation “par définition instable” où la ­discrimination est la règle. Cinquante ans après cette guerre des Six-Jours jours qui, au septième, se mua en “guerre de conquête”, la seule issue réside selon l’auteur dans “l’invention d’un compromis historique entre deux peuples pour que chacun soit maître de son destin”.


 


 


Israêl/Palestine, la défaite du vainqueur, Jean Paul Chagnollaud, Sindbad/Actes Sud, 145 pages, 14,50 euros


MAGAZINE JUILLET-AOUT 2017