Espagne/Maroc. L’heure de décoloniser les présides occupés

 Espagne/Maroc. L’heure de décoloniser les présides occupés

Vue générale du préside occupé de Sebta, depuis la ville marocaine de Fnideq. FADEL SENNA / AFP

Mais quelle mouche a piqué le président de Melilla, Eduardo de Castro, qui s’est largement épanché sur les positions du Maroc à l’égard des présides occupés Melilla et Sebta ? Petite précision, c’est EFE, l’agence de presse officielle de l’Espagne qui a recueilli ses propos, une précision qui vaut son pesant d’or.

 

Sur les propos du personnage, rien de nouveau toujours la même rengaine sur un royaume de plus en plus hégémonique qui cherche le naufrage des deux présides avec la construction d’immenses ports dans le nord du pays.

Dans son interview, De Castro déclare que « la feuille de route du Maroc est claire : il veut grandir à nos dépens ». Il s’insurge contre le fait que le Maroc a fermé la frontière avec Melilla bien avant l’urgence sanitaire due au coronavirus, ce qui a eu un effet dévastateur sur l’économie locale.

Selon lui, « le Maroc a osé non seulement ne pas autoriser les marchandises en provenance de Melilla, mais s’est attaqué aussi aux hommes d’affaires qui importent des marchandises de la Péninsule, dès qu’elles proviennent d’entreprises installées à Melilla, même quand celles-ci viennent d’Europe ». 

Ainsi, le président de Melilla propose de développer des stratégies pour « ne pas dépendre » du Royaume, « le règlement de Ceuta et Melilla passe inexorablement par les institutions de l’Europe, pas seulement en Espagne. J’ai longtemps soutenu que la solution passait par Bruxelles, oui ou oui ».

Jusque-là, le responsable est dans son rôle; mais ce qui frise le ridicule, c’est quand De Castro estime que Melilla « n’a jamais été une colonie ou une néo-colonie » !

Sans remonter à Mathusalem, il faut juste rappeler que la colonisation définitive de Sebta et Melilla date précisément de 1906, quand la conférence d’Algésiras a réuni les puissances européennes pour décider d’une véritable tutelle, concrétisée en 1912 par l’instauration du fameux protectorat franco-espagnol.

Le responsable espagnol est d’ailleurs contredit par un autre média ibérique, il y a juste quelques jours de cela. En effet, c’est bien le journal El Plural, qui a levé le lièvre. Un gros lièvre qui rapporte des faits politiques inédits contenus dans un document ultrasecret de l’agence centrale de renseignement américaine CIA (Central Intelligence Agency).

Ce document de renseignement, consulté par le média espagnol après la levée de secret en 2014 par l’administration américaine, révèle que l’ex-roi d’Espagne Juan Carlos était d’accord pour rétrocéder la ville de Melilla au Maroc, en 1979, soit quatre ans après la Marche verte (1975).

Dans les détails, El Plural revient sur une communication téléphonique de 90 minutes entre  l’ambassadeur américain à Madrid à l’époque et l’ex-roi d’Espagne Juan Carlos, fait savoir également que ce dernier, qui craignait une autre Marche verte pour récupérer les deux villes dans le Nord, s’était précipité pour proposer un statut international pour la ville de Sebta, en accordant à Rabat les prérogatives de gestion de la cité.

Imaginons un scénario qui est loin de relever de la science-fiction : le Maroc ferme les robinets, tous les robinets, plus d’eau potable pour les présides occupés, plus de légumes, plus de fruits, plus de marchandises de première nécessité qui rentrent. Fermeture définitive des pseudo-frontières et, cerise sur le gâteau, les salafistes radicaux qui peuplent les mosquées des deux villes se sentent enfin libres d’agir à leur guise !

En tout cas, il y a une réalité que les caciques espagnols ne veulent pas comprendre, c’est que la classe politique marocaine qui a fait preuve d’une grande pleutrerie envers l’ex-colon ibérique (ou français d’ailleurs) n’est plus aux commandes. Et c’est ce royaume plurimillénaire qui peut aujourd’hui se permettre de donner quelques leçons à l’Europe.

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