Espace : De Jules Verne à Elon Musk, de la vision à la réalité
Branle-bas de combat, ce samedi 30 mai 2020 en Floride, où les médias du monde entier ont été invités à filmer en direct l’exploit de Elon Musk, le lancement réussi de la nouvelle fusée américaine Space X Falcon 9 du milliardaire américain d’origine sud-africaine, dont certaines de ses bonnes intentions ne font pas l’unanimité…
Les génies sont visionnaires, dit-on, cette réalité aujourd’hui bien commune relevait pourtant de la science-fiction il y a quelques siècles ce qui n’a pas empêché Jules Verne de décrire ces voyages avec une précision saisissante : « On va aller à la lune, on ira aux planètes, on ira aux étoiles, comme on va aujourd’hui de Liverpool à New York, facilement, rapidement, sûrement et l’océan atmosphérique sera bientôt traversé comme les océans de la lune », dans son ouvrage « De la Terre à la Lune », publié en 1865.
Elle a transporté deux astronautes américains vers la station spatiale internationale S.S.I où ils doivent séjourner quatre mois durant. Il s’agit de la première fusée réalisée par l’entreprise privée Space X du domaine de l’astronautique et du vol spatial, fondée en 2020 par l’entrepreneur Elon Musk. Elle est l’un des deux prestataires privés à qui la NASA a confié un contrat de transport de fret vers la Station spatiale internationale (ISS). Jusqu’à aujourd’hui, tous les vols spatiaux ont été réalisés par des gouvernements. Et l’on sait que depuis la mise hors service de la navette spatiale, la NASA faisait appel aux fusées russes pour envoyer ses astronautes dans l’espace. Il aura fallu l’ambition d’un homme, Elon Musk, pour entreprendre un tel pari à très haut risque. L’homme de la voiture électrique Tesla quitte alors les routes terrestres pour aller à la conquête de l’espace. Au-delà de la lune, son but ultime est de construire un engin spatial, habitable pour la planète Mars.
Cette période que nous vivons, caractérisée par un développement phénoménal des sciences et des technologies, nous la devons aussi à des écrivains visionnaires. Des rêveurs comme Arthur C.Clarke, Philip K.Dick, Isaac Asimov, Franck Herbert, Dan Simmons, George Orwell, Victor Hugo et bien d’autres auraient donné, pourrait-on avancer symboliquement, des perspectives imaginaires aux ambitions réalistes des chercheurs, ingénieurs, entrepreneurs. Jules Verne est de cette veine, et son œuvre en est l’exemple vivant.
Cet auteur nantais, né en 1828 et dont le père rêvait d’en faire un éminent juriste, se révélera être un grand romancier faisant appel aux sciences et aux technologies pour nourrir son imaginaire. Il a réalisé une œuvre prolifique dans le monde après Agatha Christie, et est considéré comme le deuxième auteur le plus traduit. L’une de ses œuvres principales est « De la Terre à la Lune » publiée en 1865, qui est considérée comme l’une des références majeures de science-fiction.
Le hasard (?) fait que les événements et les personnages de ce roman révolutionnaire se déroulent aux Etats-Unis d’Amérique, 104 ans avant le premier homme ayant marché sur le Lune, Neil Armstrong, le 21 juillet 1969, et 155 ans avant l’exploit de Space X d’Elon Musk. Les événements de ce roman démarrent juste après la fin de la guerre de Sécession où des artilleurs organisés en club « Le Gun Club de Baltimore » commençant à s’ennuyer, imaginent la construction d’un grand canon pour envoyer un obus transportant trois hommes vers la lune.
Encore une fois, le hasard (?) a fait que le choix du site du lancement de l’obus s’est porté sur une région près de Tampa en Floride, Etat américain qui abrite Cap Canaveral, lieu du lancement de la fusée d’Elon Musk. Et tout le roman s’est construit autour des connaissances scientifiques du XIXème siècle, ajouté d’une forte dose d’anticipation. Dans ce roman, le tir du canon fut un succès. Mais sur Terre, les gens sont restés inquiets car ils ne pouvaient voir le projectile dans les nuages. Ce n’est qu’au bout de quelques jours qu’il a été vu en orbite autour de la lune grâce au télescope, ce qui donnera vie à un deuxième roman « Autour de la lune ».
Impey Barbicane, le Président du Gun Club de Baltimore, affecté par une guerre violente et destructrice, a pu mobiliser les compagnons d’armes autour de son rêve, aller à la conquête de la lune pour le bien de l’humanité. Elon Musk serait de la trempe d’Impey Barbicane. Ambitieux et déterminé, ne cédant pas devant les mers d’obstacles et de difficultés, cela fait 18 ans qu’il travaille sur son projet Space X. Il a échoué à trois reprises dans le lancement de la fusée et la société était au bord d’une faillite certaine. Ce n’est qu’à la quatrième tentative qu’il réussit. Sans sa combativité, Space X serait sous terre et non dans les cieux.
Mais le bât blesse quelque part. Elon Musk envisage de proposer des vols commerciaux privés dans l’espace à des milliardaires à la simple recherche de sensations fortes. Comment peut-on déclencher de telles lubies avec des dépenses aussi faramineuses quand la planète entière croule sous le chômage, la maladie et la famine ? La science n’est certainement pas destinée à être mise au service d’intérêts personnels d’une poignée de personnes.
L’initiative d’Elon Musk pour l’espace est louable et admirable. Bientôt, l’humanité dépassera les 11 milliards de personnes sur terre et il faudra bien d’autres planètes pour abriter les humains et assurer la pérennité de l’espèce. Mais il ne faut jamais perdre de vue que les avancées scientifiques sont là pour servir l’humanité. C’est pourquoi le rôle des Etats demeure déterminant et nécessaire pour contrer les dérives que peuvent engendrer les inventions humaines. Et même en privatisant certaines activités qui étaient jusqu’à présent du ressort de la puissance publique, la mise en place de garde-fous est nécessaire pour protéger le bien collectif.
L’humanité a d’autres priorités à satisfaire, et la lutte contre les pandémies, le réchauffement climatique, la famine et les inégalités sociales en font partie. En ce sens, il serait déraisonnable et absurde que d’ouvrir la porte à des personnes aux ambitions personnelles et non productives, et même contre-productives, pour des virées dans l’espace.
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