Entretien avec Zoubeir Lafhaj et Hassan Jaï
Zoubeir Lafhaj (CENTRALE LILLE) et Hassan Jaï (WELEARN).
Quelles sont les principales tendances que connaîtra le secteur de la construction ?
Zoubeir Lafhaj : On peut parler d’un grand changement dans le secteur large de la construction, intégrant l’immobilier et BTP. Ce fait a connu une grande accélération du fait de l’avènement de la pandémie. En effet, dans le monde occidental, il y a tout d’abord un manque de personnel sur les chantiers, couplé à des impératifs sanitaires qui persisteront et à une sécurisation sur chantier qui devient primordiale.
Ainsi, industrialiser l’acte de bâtir, équiper les équipements et les chantiers en Iots et monitorer les datas produites, sont les principales tendances induites pour le secteur et qui ira en augmentation dans les prochains mois.
Hassan Jaï : De nouvelles habitudes des acquéreurs et des usagers induisent une transformation du secteur exacerbé par la pandémie, mais également du fait de la raréfaction du foncier dans les zones d’activités fortes et d’une demande de services, notamment d’applications, correspondant aux usages d’aujourd’hui.
Ainsi, on souhaite aujourd’hui des logements moins spacieux mais à proximité de zones d’activités et de loisirs, avec une accessibilité plus aisée aux moyens de mobilité.
Cela modifie la programmation des bâtiments et à terme l’offre proposée par les développeurs. Avec des conséquences sur toute la chaîne de valeur de la construction. A cela il faut ajouter des contraintes comme celle de la complexité en approvisionnements du foncier et des intrants de la construction.
Comment voyez-vous la formation de l’ingénierie de la construction ? En termes pédagogiques et également de contenu ?
Hassan Jaï : L’ingénieur génie civil devra renforcer son « génie » Industriel du fait que la construction passera graduellement du mode projets à un mode usine. L’Offsite par exemple prend de l’ampleur partout dans le monde.
D’autres compétences sont requises, comme la capacité à leader la construction avec des processus rigoureux. Enfin, la connaissance de logiciels de calculs de structure ainsi que ceux de modélisations devient un prérequis.
En termes pédagogiques, l’Edtech (écosystème de l’éducation du futur) révolutionne partout le mode de transmission et d’acquisition du savoir avec la formation à distance, synchrone et asynchrone et les possibilités qu’ouvrent la réalité augmentée et virtuelle notamment avec l’avènement de la Metaverse.
Zoubeir Lafhaj : Les matériaux de construction évoluent pour intégrer des urgences sanitaires, climatiques, technologiques et énergétiques et cela doit être retranscrit en connaissances et ensuite en connaissances pour les futurs ingénieurs.
La Proptech (écosystème de l’immobilier du futur) et la Contech (écosystème des méthodes de construction du futur) amènent une nouvelle génération d’acteurs.
Et cette logique de formation est-elle locale ou valable partout dans le monde ? par exemple France vs Maghreb ?
Zoubeir Lafhaj : Nous ne sommes pas si éloignés que cela dans notre acte de construire. Nous avons des deux côtés de la Méditerranée des challenges complexes : la rénovation qui implique des interventions en équipes diversifiées et la construction d’infrastructures et globalement des logements. Ces projets demandent une conception et une gestion de plis plus pointues, soit pour des aspects techniques, intégrant bien évidemment les aspects environnementaux, soit financiers, soit les deux. Et pour ce faire, des compétences spécifiques et diversifiées sont recherchées.
Hassan Jaï : Nous remarquons aujourd’hui que les ingénieurs formés dans les grandes écoles d’ingénieurs, au Maroc et en Tunisie notamment, une fois intégrés dans des structures en Europe sont pratiquement immédiatement opérationnels. Ce qui laisse supposer que les mêmes logiques actuelles sont enseignées dans les deux espaces. Et cela persistera dans le futur. En tout cas, le sens de notre convention consiste à préparer les deux profils régionaux à répondre aux transformations qui s’opèrent dans le métier de la construction, globalement.
Justement dans le cadre de la convention qui vient d’être signée entre Welearn (Maroc) et la Centrale Lille (France), quel est l’apport de chacun des partenaires ?
Zoubeir Lafhaj : Nous souhaitons impacter le secteur par la valorisation extrême des ressources humaines et favoriser l’échange interculturel, au profit d’une vision diversifiée au niveau de la construction et par cela induire, éventuellement, des alliances au niveau des entreprises qui opéreront demain dans la construction.
Ainsi, nous allons proposer des masters de recherche, des projets de recherche sur des sujets concernant l’espace francophone. Nous allons également répondre conjointement à des projets de recherche industriels européens, dans les sujets de la construction, notamment celle de demain en proposant des thèses et des PostDoc.
Et le choix de Welearn est naturel, elle est déjà présente, en tant qu’acteur pédagogique, en France, à travers ses masters en BIM et sa position en tant que l’un des 6 premiers organismes certificateurs en BIM. Et en tant qu’acteur Edtech en dispositif pédagogique à travers ses formations en ligne, notamment le MOOC béton, suivie dans plus de 10 pays francophones.
Hassan Jaï : Nous apporterons notre agilité en termes pédagogiques notamment en termes de conception de MOOC et certification en ligne et en termes de contenu dans des programmes liés, notamment dans le BIM.
Et Centrale Lille, au-delà du prestige dont elle dispose, est ancrée dans la Construction 4.0 au sein d’une métropole accueillant de grandes initiatives européennes dans la Contech, la Proptech et l’Edtech.
Qui est qui
Dr Zoubeir Lafhaj est professeur des universités à Centrale Lille, président de l’Institut français de la construction Lean et titulaire de la Chaire de recherche industrielle construction 4.0.
De son côté, Hassan Jaï est CEO Welearn et administrateur des structures dans le BIM, ainsi que de plusieurs masters spécialisés dans la construction.
Centrale Lille est membre du réseau Centrale qui forme, depuis plus de 160 ans, à travers ses 4 écoles d’ingénieurs, 17 parcours de masters dont 7 dispensés entièrement en anglais et une école doctorale. Ainsi, l’établissement forme des ingénieurs à travers l’Ecole Centrale de Lille pour la formation généraliste, l’ENSCL pour la formation des ingénieurs chimistes, l’ITEEM pour la formation des ingénieurs-managers-entrepreneurs et l’IG2I, pour la formation des ingénieurs pour les systèmes intelligents et interconnectés.
WELEARN est une entreprise innovante, installée au Technopark Casablanca, spécialisée dans la conception et la production de formations et de coaching, notamment en mode e-learning, au profit du secteur de la construction principalement.
Propos recueillis par Said Tanjaoui
Bon à savoir
Le MOOC béton est un cours en ligne gratuit, regroupant plus de 3 heures d’enseignement, disponible par inscription sur le site www.welearn.ma
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