Mohamed Rahmani, au service des recruteurs du Royaume
Peinant à retrouver du travail en France, ce natif des Hauts-de-Seine n’a pas hésité à s’expatrier au Maroc, où il a lancé Atlascareer.ma, une plateforme pour faciliter l’emploi des cadres. Un projet ambitieux porté par un homme optimiste.
L’homme est serein, volontaire et décidé. Et pourtant, il aurait pu en aller tout autrement, confie-t-il : “La vie est un combat. Au lycée déjà, on n’a pas voulu me laisser faire une première S. Le prof principal a appelé mes parents pour faire pression, alors que j’avais les notes [requises].” Mohamed Rahmani obtient finalement son bac scientifique et s’oriente vers des études de commerce international. Master en poche, il cherche du travail mais se heurte très vite à une forte discrimination. “Une conseillère de l’Apec (Association pour l’emploi des cadres, ndlr) m’a dit : ‘Tu as des diplômes, mais coco – j’ai ri jaune quand elle m’a appelé comme ça –, il ne faut pas te leurrer, ton nom et ton prénom font peur.’” Certains de ses amis partent au Moyen-Orient. Lui est attiré par le Maghreb, et plus précisément par le Maroc. “Le français s’exporte bien. Mais n’étant pas d’origine marocaine, il fallait d’abord que je comprenne le pays, ses coutumes, son environnement d’affaires.”
Régionalisation des annonces et des CV
A la lecture d’un rapport du Haut-Commissariat au plan (HCP), l’idée de créer son propre travail lui vient. Le Royaume ambitionne en effet de former 10 000 ingénieurs par an dans les années à venir. Mohamed Rahmani monte alors la plateforme Atlascareer, sur laquelle cadres et étudiants peuvent déposer leur curriculum vitae, ce qui offre aux entreprises un vivier de recrutement. “On veut être un intermédiaire. On a choisi un nom anglo-saxon, très ‘punchy’ parce que les Marocains sont plus polyglottes que les Français. A Agadir, on entend de l’allemand. Dans le Nord, on parle espagnol, etc.”
Le site propose aussi des conseils à destination de ceux qui cherchent un emploi, des formations et des vidéos pour mettre en avant ses qualités. “J’ai vu des CV dont la mise en page n’était ni faite ni à faire. C’est un gâchis car ces personnes ont pourtant des qualifications.” Les recruteurs sont appelés à contribution, car le site leur fait gagner un temps précieux en donnant accès aux diplômes et aux référents. Autre innovation : la régionalisation des annonces et des CV. Le jeune entrepreneur envisage d’arriver à la rentabilité dans les deux ans, avec un objectif à moyen terme : l’Afrique.
“Un accélérateur de particules”
Mohamed Rahmani a tourné la page de ses années de galère en France : “L’échec est mal perçu dans l’Hexagone. Si un enfant français tombe, sa mère va lui dire : ‘Tu vois, si tu m’avais écoutée, tu ne te serais pas fait mal.’ Dans un pays anglo-saxon, elle lui dirait : ‘Ce n’est pas grave, tu as essayé. La prochaine fois, tu réussiras !’”
Avec déjà près de 1 000 CV sur la plateforme, le lancement d’Atlascareer, prévu au printemps, annonce des jours radieux. Les futurs cadres gagneront moins qu’en Europe (“en rapport avec le coût de la vie”) mais connaîtront une belle évolution de carrière leur permettant d’acquérir une expérience précieuse dans un parcours professionnel. “Un vrai accélérateur de particules”, c’est la conviction de Mohamed, à laquelle il croit dur comme fer avec un brin de philosophie : “Je dis à mes parents : vous êtes la génération qui a quitté le Maghreb pour venir en France. Nous, on a envie d’être celle qui quitte la France pour développer le Maghreb.”