Entre le président Saïed et l’Egypte d’al-Sissi, l’idylle continue

 Entre le président Saïed et l’Egypte d’al-Sissi, l’idylle continue

Depuis son retour d’une visite officielle de 3 jours au Caire, le président tunisien multiplie les contacts avec son homologue égyptien le maréchal al-Sissi

En recevant le 22 avril, à peine rentré d’Egypte, le ministre des Affaires étrangères égyptien à Tunis, le président de la République Kais Saïed confirme sa volonté d’instaurer un axe le Caire – Tunis aux contours encore flous.

Le jour où la Tunisie dépassait la barre symbolique des 10 mille morts des suites du Coronavirus, ses deux pôles de l’exécutif, et spécialement celui de Carthage, sombrent chaque jour un peu plus dans des luttes intestines pour le pouvoir. Une guerre existentielle, dont on ne voit pas l’issue, et où chacun cherche désormais à éradiquer son adversaire politique, quitte à devenir une simple force d’obstruction.

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Quasiment chaque activité de la présidence ou du gouvernement consiste en une réponse du tac au tac, au point d’irriter une grande partie des Tunisiens excédés par tant de petitesse de l’action politique, de surcroit en temps de crise sanitaire.

Vendredi le député Rached Khiari, qui a accusé le président en début de semaine d’intelligence avec un pays étranger, a été présenté devant un Tribunal militaire avec des charges particulièrement lourdes pesant contre lui.

Laver son linge sale en public

En présence du ministre égyptien au Palais, Kais Saïed aura parlé de tout sauf de Covid ou d’entraide sanitaire, au moment où il s’agit pourtant là du sujet numéro 1 notamment dans les chancelleries occidentales.

Ainsi pendant de longues minutes de vidéo publiées par la présidence tunisienne, Saïed va énumérer ce qu’il considère comme les hauts faits de gloire de l’armée égyptienne contre Israël en 1967, tout en mettant cela de manière quelque peu alambiquée avec l’actuelle situation nationale de la Tunisie :

« Cette leçon de bravoure militaire doit servir d’exemple, y compris dans nos batailles contre l’ennemi intérieur qui ronge les institutions de l’Etat »… Un message on ne peut plus clair aux islamistes d’Ennahdha, avec lesquels Saïed est dorénavant entré en conflit frontal.

En cela le président a dérogé à un principe de base de l’éthique diplomatique : ne pas évoquer sa cuisine interne nationale en s’adressant à un pays tiers. Il confirme par la même occasion que tous les coups seront permis dans ce pugilat du name and shame, où il aime à dénoncer son ennemi publiquement.

Prenant très au sérieux ce qui se trame dans les arcanes du pouvoir tunisien, l’éminent juriste constitutionnaliste Yadh Ben Achour a déclaré que « le discours du président prépare à l’instauration d’une nouvelle dictature liberticide ».

La Kasbah également coupable de négligence face à la pandémie

Dans le monde globalisé de 2021, la plupart des chefs d’Etat ou des chefs de gouvernement prennent eux-mêmes la parole au sujet des mises à jour Covid, priorité absolue du moins des démocraties.

Or, outre le mutisme du Palais présidentiel, le chef du gouvernement Hichem Mechichi semble avoir réalisé que la pandémie est un sujet casse-gueule qui érode la popularité des leaders comme aucun autre sujet, surtout maintenant que l’épidémie est hors de contrôle en Tunisie et ailleurs.

Il y a 1 an, avant que son équipe com’ ne soit décimée par les démissions, Kais Saïed et ses conseillers en communication avait un temps tenté de verser dans le culte de la personnalité, en présentant Saïed comme le sauveur de la Tunisie via « son » approche unique dans la lutte anti Covid lors de la première vague. Depuis, plus rien, si ce n’est l’évocation du coronavirus de manière contingente.

Si le chef du gouvernement de l’époque, Elyes Fakhfakh, laissait faire les fanfaronnades factices et populistes du sauvetage sanitaire via un génie individuel, aujourd’hui en pleine cohabitation hostile, l’absence communicationnelle de Mechichi fait penser à une patate chaude, où l’on préfère envoyer les porte-paroles au casse-pipe des conférences de presse Covid.