Ennahdha : 100 personnalités demandent le départ de Ghannouchi

 Ennahdha : 100 personnalités demandent le départ de Ghannouchi

Malgré un bilan controversé en tant que parti participant à la gouvernance depuis 10 ans, Ennahdha dont le leader aura bientôt 80 ans a su se ménager une place incontournable dans les arcanes du pouvoir

Ils disent être en réalité bien plus nombreux, mais qu’ils voulaient être symboliquement 100 signataires. Entorse d’une ampleur inédite à l’unité sacrée de la « confrérie » , ils demandent explicitement à leur chef de céder la place à la relève, au nom d’une démocratie interne ternie par un manque d’alternance depuis plusieurs décennies.  

Réputé pour la discipline de ses bases tout comme ses cadres, Ennahdha, l’une des dernières incarnations des partis à crédo idéologique, n’a pas pour habitude d’exposer sa cuisine interne. Pourtant, voilà quelques mois, voire quelques années, que les tumultueux préparatifs du prochain congrès du plus grand parti du pays font l’objet d’une escalade verbale au grand jour.

Un enjeu clé y éclipse tous les autres : la lutte pour l’après Ghannouchi, qui oppose un camp farouchement pro continuité, mené notamment par le gendre de l’octogénaire Rafik Abdessalem, et le camp de la rupture, composé de figures telles que Samir Dilou et l’ancien ministre de la Santé Abdellatif Makki, connus pour leur franc-parler.

 

Quel avenir pour Ennahdha sans son chef historique ?

Si d’aucuns font une analogie entre la décomposition du parti ennemi d’hier, Nidaa Tounes, à la mort de son charismatique leader Béji Caïd Essebsi, et le statut de futur parti orphelin que craignent certains militants nahdhaouis, le bureau exécutif d’Ennahdha a dit prendre acte de ladite lettre. Un texte de rebellion qui acte pourtant de facto une fronde et donne le ton du congrès.

Le bureau dit « comprendre la pétition signée par 100 dirigeants du parti dans laquelle ils demandent au président du mouvement Rached Ghannouchi d’annoncer explicitement qu’il ne présentera pas sa candidature à la présidence d’Ennahdha lors du 11ème congrès prévu avant la fin de l’année, et s’engage à ne pas modifier l’article 31 des statuts du parti ».

Dans une déclaration publiée aujourd’hui vendredi, le bureau exécutif avance cependant que c’est aux commissions de préparation matérielle du contenu du congrès de réagir à toute initiative de ce type. Une façon de botter en touche, d’autant qu’un message de défiance, dont on ignore s’il a été rédigé par Ghannouchi lui-même, circule en interne : « les vrais chefs ont la peau dure », peut-on y lire, en guise de réponse qui laisse craindre une fuite en avant autoritaire de l’entourage du numéro 1 d’Ennahdha.

 

Un contexte socio-politique explosif

Désirant renvoyer l’image d’un parti patriote qui travaille à sortir le pays de la crise économique post covid-19 qui a déjà causé 160 mille pertes sèches d’emplois, le même bureau exécutif a également salué l’accord signé entre le gouvernement et l’UGTT sur la troisième tranche des augmentations salariales au profit des agents de la fonction publique, ainsi que l’augmentation du salaire minimum garanti des agents du secteur privé.

Il s’est dit « préoccupé » par la deuxième vague du coronavirus, appelant les différentes parties intervenantes à « redoubler d’efforts pour vaincre la pandémie », tout en réitérant sa condamnation de « toute normalisation avec Israël visant à étouffer la cause palestinienne au profit d’intérêts particuliers et totalitaires », une façon de se donner une stature internationale.

Mais ce troisième volet des augmentations salariales dans la fonction publique est déjà critiqué par de nombreux économistes qui mettent en garde contre le péril inflationniste. Dans les rangs des pro-Ghannouchi, on aime à rappeler à qui veut bien l’entendre que dans le cas d’une explosion du chaudron social, accompagnée d’une renaissance des forces pro ancien régime, les islamistes seraient les premiers à subir la vengeance des nostalgiques. Un argument rassembleur jadis, mais qui ne fait plus l’unanimité.