Energie contre migration : Meloni présente à l’Afrique son new deal

 Energie contre migration : Meloni présente à l’Afrique son new deal

Des accords énergétiques en échange d’un quasi arrêt des migrations : la cheffe du gouvernement italien d’extrême droite Giorgia Meloni dévoilera ce week-end aux pays africains son « new deal » ou encore son « pétrole contre nourriture » pour le continent. Une approche « d’égal à égal » selon ses dires, mais dont les intentions seront loin des actes, mettent en garde les pourfendeurs du texte.

Arrivée au pouvoir en 2022 sur la base d’un programme anti-migrants dont les résultats tardent à se faire sentir pour son électorat, la numéro 1 de l’exécutif italien espère faire de l’Italie un pont entre l’Europe et l’Afrique, en assurant à la première de nouvelles voies d’approvisionnement en ressources énergétiques et à la seconde des investissements massifs.

 

Saïed attendu à Rome

Les dirigeants de nombreux pays africains, dont le président tunisien Kais Saïed selon nos informations, sont attendus à Rome pour un sommet prévu à cet effet qui se tiendra de dimanche à lundi 29 janvier. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et des représentants des agences des Nations unies et de la Banque mondiale en seront également.

Ainsi Meloni doit présenter son « plan Mattei », du nom nostalgique d’Enrico Mattei, fondateur de l’ENI (géant énergétique public italien), qui dans les années 1950 préconisait un rapport de coopération avec les pays africains, en les aidant à développer leurs ressources naturelles.

« Une certaine approche paternaliste et prédatrice n’a pas fonctionné jusqu’à présent. Ce qu’il faut faire en Afrique, ce n’est pas de la charité, mais des partenariats stratégiques d’égal à égal », plaidait Giorgia Meloni au début du mois, selon une rengaine rhétorique qui feint l’humilité face aux pays dit « du sud ».

Pour rappel, l’Italie, qui préside cette année le G7, s’était engagée à faire du développement de l’Afrique un thème central de son mandat au sein de l’organisation, en partie pour accroître son influence sur un continent où des puissances telles que la Chine, la Russie, la Turquie, l’Inde et le Japon ont pu accroître leur poids politique aux dépens de l’UE.

 

Potentiel conflit avec des plans d’aide préexistants

Or, certains experts avancent que l’Italie pourrait avoir du mal à obtenir le soutien de l’Union européenne qui a récemment déjà présenté un plan d’aide à l’Afrique de 150 milliards d’euros en 2022. A priori le gouvernement italien, qui a réduit son aide bilatérale au développement l’an dernier (hors Libye), table sur 2,8 millions d’euros par an entre 2024 et 2026 au titre du plan Mattei, dont on ne connaît pas encore ni le montant ni les modalités.

En réalité, selon le bien informé quotidien Corriere della Sera, Rome pourrait affecter quatre milliards d’euros à ce plan au cours des cinq à sept prochaines années, dans l’agro-industrie, le transport et les infrastructures – et surtout l’énergie. Car Meloni souhaite capitaliser sur la demande des autres pays européens qui cherchent à réduire leur dépendance au gaz russe suite à l’invasion de l’Ukraine par Moscou en février 2022.

Une quarantaine d’organisations de la société civile africaine ont dit craindre cette semaine que l’objectif de ce plan ne soit simplement « d’accroître l’accès de l’Italie au gaz fossile africain au profit de l’Europe et de renforcer le rôle des entreprises italiennes dans l’exploitation des ressources naturelles et humaines de l’Afrique ».

Chercheur en géopolitique de l’énergie au sein du groupe de réflexion RIE, Francesco Sassi estime par ailleurs que Mme Meloni poursuit une « stratégie à courte vue » et « trop simplistes » destinée à « faire face à l’insécurité énergétique et aux défis de la transition énergétique« .

Son approche « apolitique » signifie en réalité de fait « moins d’intrusion dans la politique intérieure des partenaires énergétiques africains, qu’il s’agisse de la défense des droits humains ou des politiques énergétiques et environnementales« .

Bien que la dirigeante italienne ait promis d’arrêter les bateaux en provenance d’Afrique du Nord, les débarquements en Italie ont énormément augmenté depuis son entrée en fonction, passant de quelque 105.000 migrants en 2022 à près de 158.000 en 2023.

Si l’Italie a une tradition de relations relativement étroites avec les pays méditerranéens tels que la Tunisie, la Libye, et en partie l’Algérie et l’Egypte, c’est moins le cas avec l’Afrique subsaharienne, qui devrait être au cœur du plan Mattei.

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