En Tunisie, Olivier Poivre d’Arvor joue les prolongations

 En Tunisie, Olivier Poivre d’Arvor joue les prolongations

Fin août, le président de la République, Kaïs Saïed, avait reçu au Palais de Carthage l’ex ambassadeur de France en Tunisie, Olivier Poivre d’Arvor, à l’occasion de sa fin de sa mission en Tunisie. Mais au moment où le nouvel ambassadeur, André Parant, s’apprête à prendre ses fonctions, certains observateurs évoquent la volonté d’« OPDA » de continuer à peser en demeurant influent en Tunisie où il a choisi de s’installer.

OPDA aime à se vêtir des habits traditionnels tunisiens, au mépris des procès en appropriation cultuelle 

 

Contrairement à son prédécesseur et diplomate de carrière François Gouyette, aujourd’hui en poste à Alger, Olivier Poivre d’Arvor aura pratiqué une diplomatie pour le moins atypique tout au long de son mandat à Tunis. Quatre années où cet écrivain et ancien directeur de France Culture a multiplié les déplacements sur le territoire tunisien, féru de « selfies » et de promotion du patrimoine et de la destination Tunisie.

Mais cette « bougeotte » n’est pas du goût de ceux qui considèrent qu’OPDA a œuvré à une diplomatie type carte postale d’un autre temps, réductrice voire orientaliste, ni des souverainistes qui n’ont cessé de demander son remplacement, considérant son activisme comme une forme d’ingérence qui outrepassait ses prérogatives. Ce qui lui avait valu le surnom de « résident général », en référence à l’époque du protectorat.

 

OPDA persiste et signe en tapant l’incruste

Qu’à cela ne tienne, fait rare en matière de mouvements diplomatiques, Poivre d’Arvor a décidé de rester dans le pays. Lors de sa cérémonie d’adieux organisée dans la Résidence de France à la Marsa, l’homme a pris acte de ces critiques : « Cette Tunisie est beaucoup plus grande que son territoire. J’ai passé beaucoup de temps un peu partout. Pour certains, un peu trop partout ».

Mais il ajoute surtout : « J’ai décidé d’écrire un livre intitulé : Je reste en Tunisie. Partir c’est toujours idiot, donc je me suis dit que je ne vais pas partir. Comment ne pas partir ? En faisant des projets. Il y a la saison bleue que j’ai créée avec des amis. On a créé un rendez-vous important. On a aussi créé le club des deux rives juste avant le Covid-19. Et puis je vais commencer à écrire. Pendant quatre ans en raison de mes tâches diplomatiques je n’ai pas écrit et c’est mon regret. Je vais écrire non pas sur la Tunisie, mais en Tunisie. Depuis trente ans, je voyage et je n’ai pas pu me fixer.

Je suis né à Reims, la terre de ma famille est la Bretagne, mais il fait froid et il pleut parfois. Il faut donc que j’aie ma maison en Tunisie. Aujourd’hui même j’ai signé un contrat pour une maison à Marsa Cube. J’ai du mal à vous quitter. Je veux vous revoir, je ne veux pas vous perdre. La maison est toute petite mais elle a une terrasse qui donne sur la mer. Aller me baigner tous les matins dans cette mer, est ce que je veux. N’en déplaise à ceux qui veulent que je parte, je reste ! Aujourd’hui on fête le retour et non le départ ».

C’est qu’OPDA reste sur une note amère d’inachevé : il n’aura pas pu par ailleurs mener à son terme son grand œuvre en tant qu’ambassadeur, « son bébé », l’organisation du sommet de l’Organisation internationale de la francophonie, déplacé à Djerba et reporté tout au mieux à mars 2021, notamment en raison du Covid-19.

 

Proche du patronat et du « showbiz »

Dans son édition du 9 septembre, Africa Intelligence détaille l’intense lobbying dans les dans les domaines économique et culturel d’Olivier Poivre d’Arvor qui ne compte pas en rester là, expliquant que l’ancien ambassadeur « pourra se rattraper en continuant d’animer la relation franco-tunisienne, notamment via le Club des deux rives, qu’il a cofondé fin 2019 aux côtés du président du Conseil des alliances françaises Mohamed Aïssaoui, de Wided Bouchamaoui, ex-présidente de l’organisation patronale Utica, du consultant Karim Guellaty, très influent sur l’axe Paris-Tunis, et de la créatrice de mode Nathalie Garçon ».

Ce club fermé et sélectif, très « upper class » et « high society », compte organiser en effet au moins trois dîners par an, dont le prochain doit se tenir le 26 novembre à Tunis. Les Poivre d’Arvor étant avant tout une fratrie très soudée, le club est parrainé par Patrick Poivre d’Arvor, ancien présentateur vedette des journaux télévisés de TF1. Le frère de l’ambassadeur sortant est lui-même introduit de longue date en Tunisie grâce à son ami et associé, le producteur de cinéma Tarak Ben Ammar, l’un des financiers de Nessma TV. Fin août, OPDA s’est également affiché à Mahdia où il passait ses vacances avec l’homme d’affaires Tarak Cherif, chef de la chambre patronale CONECT.

Avant d’achever sa mission OPDA a en quelques sortes revendiqué cette diplomatie glamour, en rendant un long hommage de 20 minutes à sa grande amie personnelle, la danseuse et chorégraphe Sihem Belkhodja, à qui il a remis les insignes de Chevalier de la légion d’honneur.