En Tunisie, l’opposition se réorganise

 En Tunisie, l’opposition se réorganise

Ghazi Chaouachi

En plein entre deux tours de la bérézina des élections législatives voulues et pensées par le président Saïed, plusieurs formations politiques d’opposition et organisations nationales, déterminées à ne pas laisser passer l’occasion, ont entamé une réorganisation.

Consolidation pour les uns, reconfiguration pour les autres, il plane un air de déjà-vu à Tunis : celui des fins de règne. A contrario, l’orthodoxie et le statu quo qui se dégagent de la loi de finances 2023 promulguée par Kais Saïed montrent que ce dernier s’inscrit encore dans un temps long de la remise à plus tard de ses chantiers utopiques de refonte du modèle économique, en dépit du camouflet électoral du 17 décembre 2022.

 

Escalade verbale belliciste

Désormais transfuge d’Attayar, l’un des principaux partis d’opposition de centre-gauche du pays, le charismatique Ghazi Chaouachi dit avoir démissionné pour libérer sa parole mais aussi étant convaincu que le militantisme partisan classique ne sied plus à cette phase cruciale dans laquelle entre le pays. Autant dire que la manœuvre, habile, consiste à prendre Saïed à son propre jeu, lui qui a fait de la fin de la représentativité des partis politiques son fonds de commerce.

« Soit le président Saïed concède à s’assoir à la table des négociations, auquel cas nous pourrons lui assurer une sortie honorable […], soit il veut une guerre sale, une guerre d’usure, dans ce cas nous sommes aussi prêts à la mener ». Cette affirmation d’une rare virulence traduit la radicalisation en cours des positions des uns et des autres, d’autant qu’elle émane de Chaouachi, un avocat et ex ministre connu pour sa retenue. Pour répondre à l’inaction de son ancien parti, l’homme compte rassembler un front élargi pour en découdre avec l’actuel régime qui a selon lui « perdu toute légitimité ».

En visite lundi à Jendouba pour y inaugurer un centre hospitalier, Kais Saïed n’a de son côté pas dérogé à son modus operandi de l’utilisation de cette tribune pour toutes sortes de digressions, y compris des règlements de comptes politiques. « Il n’y a aucun problème de disponibilité des centres de dialyse en Tunisie. En revanche, le pays aurait bien besoin d’un autre type d’épuration », a-t-il lancé, féru qu’il est des métaphores et des jeux de mots, ce qui n’a pas manqué de créer une vive polémique. D’aucuns ont en effet pris cette figure de style pour une déclaration d’intention d’élimination physique (en arabe littéraire, c’est ce que signifie le terme « tasfiya », énoncé dans un contexte de tensions politiques).

 

Le réveil des organisations nationales

Critiquée par certains pour son attentisme, la centrale syndicale UGTT a quant à elle franchi un cap mardi, en se joignant pour la première fois à ce qui s’apparente à un trio « high profile ». Sous le slogan de la nécessité du sauvetage du pays, une réunion s’est tenue hier mardi 27 décembre entre le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail, Noureddine Taboubi, le bâtonnier Hatem Mziou, et le président de la ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), Bassem Trifi.

Réunion de crise mardi entre l’UGTT, l’Ordre des avocats et la LTDH, trois organisations nobélisées en 2015

« La rencontre organisée au siège du Conseil national de l’Ordre des avocats a examiné la situation générale en Tunisie et la manière d’élaborer une vision commune pour la prochaine étape, dont l’objectif est de sauver le pays », a indiqué le triptyque. Le secrétaire général de la puissante UGTT a toutefois déclaré que pour l’heure aucune initiative n’a encore été lancée, mais qu’il engagera des consultations « afin de réfléchir à des solution concrètes pour sortir la Tunisie de l’impasse ».

Après le report sine die de la réunion du FMI consacrée au dossier du déblocage du prêt destiné à la Tunisie, le pays navigue à vue et entre dans une phase d’incertitude et de turbulences caractérisée par un manque sans précédent de visibilité.

 

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