En Mode Mossi : Le documentaire « Feelgood » de Ségolène Chaplin
En cette rentrée sociale que l’on promet difficile, le documentaire « En Mode Mossi » de Ségolène Chaplin sur Canal+ Docs et Mycanal est une bouffée d’air frais ! Dans ce film aux vertus positives, on suit le créateur de mode, Mossi Traoré, originaire de Villiers-sur-Marne qui souhaite accomplir son rêve : habiller la star mondiale indienne, Aishwarya Rai.
Pour avoir un film fort en émotions, il faut un personnage haut en couleur. Assurément, Mossi Traoré l’est. Ce créateur, né à Paris et vivant dans la banlieue parisienne de Villiers-sur-Marne, n’a jamais baissé les bras. Pourtant, le milieu de la mode est réputé pour son entre-soi peu ouvert à la diversité.
Son génie provient surement de son talent mais aussi de son obstination à mettre un pied dans la porte. Il faut dire que Mossi Traoré est un rêveur hyperactif, passionné d’art et d’Inde. Parmi ses projets les plus fous : faire porter une de ses robes haute couture à l’actrice, star planétaire de Bollywood et Miss Monde 1994, Aishawarya Rai.
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En Mode Mossi
Dans son film documentaire « En Mode Mossi » sur Canal+ Docs, Ségolène Chaplin réussit à nous transporter dans l’univers foisonnant de Mossi, notamment avec ces projections en mapping sur ses créations. Dans son quartier de Villiers-sur-Marne, on le retrouve gérant des expositions, des défilés, son atelier mais aussi une école quasi gratuite de techniques de la mode (Les Ateliers d’Alix). Lors de la fashion-week parisienne, on le voit organiser son défilé au Caroussel du Louvre avant d’observer au défilé L’Oréal ses créations, inspirés de Madame Grès sur le podium. Enfin, en Inde, on découvre un Mossi humble et passionné de ce pays. La réalisatrice revient pour nous sur le périple de ce personnage attachant aux mille visages qui apporte la « culture du beau » là où il passe.
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Le Courrier de l’Atlas : Pouvez-vous nous expliquer comment on se met « en mode Mossi » ?
Ségolène Chaplin : C’est un grand rêveur qui ne s’interdit rien. On le comprend vite quand on est à ses côtés. Etre en mode Mossi, c’est se dire que rien n’est impossible. Quand il a un objectif en tête, il va se donner tous les moyens pour le réaliser. Il se bat pour arriver à ce qu’il souhaite obtenir. La force de son personnage est de croire coûte-que-coûte à son objectif. Son rêve n’est pas dans un coin de sa tête. Il est toujours présent, face à lui.
Mossi est un habitant d’origine malienne d’un quartier populaire de Villiers-sur-Marne. Est-ce l’endroit où il puise son énergie ?
Ségolène Chaplin : Il est très fier de venir de là mais ses sources d’inspirations sont multiples. Villiers-sur-Marne est sa base. Son atelier et son école sont installés là-bas. Pour lui, son travail prend tout son sens dans cette ville. Son héritage malien n’est pas quelque chose qu’il a mis en avant au début. A l’époque où la mode africaine était à l’honneur, il n’a pas souhaité faire du wax ou du bazin. Il travaille au coup de coeur. Ses sources d’inspirations vont vers des artistes qu’il admire comme la sculptrice Simone Pheulpin, le calligraphe Hassan Masmoudy ou l’artiste coréen, Lee Bae.
Au delà de son rêve, Mossi est aussi un passeur de relais…
Ségolène Chaplin : Il y a cette envie de transmettre car lui-même, on lui a transmis. Cela s’est fait en deux temps. Il y a d’abord eu la frustration de ne pas avoir eu accès à la culture, au beau quand il était à l’école. Mais quand il a fini son école de mode, il a jugé que le savoir qu’il avait acquis avec, par exemple, Madame Josette Thomas, une des couturières de Madame Grès, devait aller bien au delà de sa personne. Il estime avoir reçu et veut redonner !
Pourtant, le milieu de la mode est un monde fermé qu’on imagine peu ouvert à la diversité et aux quartiers populaires. Comment arrive t’il à s’imposer dans la mode ?
Ségolène Chaplin : Pour lui, c’est une question de projet. Il estime que lorsque tu as une bonne idée, les gens te suivent. Il indique ne pas avoir souffert de racisme dans la mode ou de ne pas avoir été rappelé à cause de sa couleur de peau. Les gens de la mode adorent son énergie, son enthousiasme et surtout son talent. Personne n’est trop haut placé pour lui. Quand tu entends ses idées, tu as envie de l’aider et de le suivre.
Une de ses sources d’inspiration est l’Inde. Pourquoi cette fascination pour ce pays et pour sa star, Aishawarya Rai ?
Ségolène Chaplin : Plus jeune, il regardait les films de Bollywood. Il s’est rendu sur place quand il avait la vingtaine. Son attrait vient aussi des costumes de ces films haut en couleur. Les saris sont faits avec 6 à 10 mètres de tissus. Cette actrice et son univers l’inspirent énormément comme une muse.
Quel message souhaitiez-vous faire passer à travers votre documentaire ?
Ségolène Chaplin : La thématique de la banlieue m’est chère depuis que je fais du journalisme. J’ai toujours été choquée par la manière dont on parlait des quartiers populaires. On véhicule souvent l’image de la violence, la pauvreté ou la drogue. Je voulais un sujet qui permettait d’aborder les problématiques de ces quartiers sans tomber dans le cliché. C’est magique de suivre quelqu’un qui a autant d’idées. Mossi estime qu’il n’y a pas de déterminisme dans la vie. Quand il a un rêve ou une obsession, il n’y a pas de barrières assez fortes pour l’empêcher d’y arriver.
« En Mode Mossi » de Ségolène Chaplin, sur Canal+ Docs et My Canal depuis le 22 août 2022