En Libye, le front oublié de la guerre régionale russe

 En Libye, le front oublié de la guerre régionale russe

Bruit de bottes en Libye où des milliers de combattants russes affluent en Libye, suscitant des inquiétudes dans les chancelleries occidentales quant à ce que le Kremlin pourrait y planifier. L’info est reprise par plusieurs médias y compris russophones proches de la communauté du renseignement, dont le média indépendant Verstka.  

De son côté le média américain Newsweek titrait dès le mois de mai « les agissements russes sur le continent africain laissent présager d’un chaos en préparation », suggérant que le Kremlin aurait décidé d’une forme de guerre totale dissuasive aux portes de l’Europe, en marge du conflit russo-ukrainien qui s’installe sur la durée.

 

Une escalade à vitesse grand V

Citant également des sources au sein des agences de sécurité libyennes et de l’armée russe elle-même, l’agence occidentale All Eyes On Wagner, certes clairement orientée comme le laisse entendre son nom, avance qu’au cours des dernières semaines seulement, ce sont au moins 1800 soldats et mercenaires russes qui ont été déployés en Afrique du Nord, plus précisément à divers points du territoire libyen. Tandis que certains sont transférés au Niger voisin, où les tensions couvent entre Moscou et Washington.

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Des groupes de mercenaires russes ont en réalité maintenu une discrète présence en Libye depuis le renversement de Mouammar Kadhafi, sous l’impulsion de l’OTAN, en 2011. Mais plus récemment, suite à une rencontre entre le président russe Vladimir Poutine et le commandant militaire de l’est de la Libye Khalifa Haftar fin septembre 2023, Bloomberg a rapporté qu’un accord de défense était en cours d’élaboration qui verrait Moscou étendre sa présence militaire dans l’est de la Libye et pourrait conduire à terme à la création d’une base navale.

Des plans qui ne sont naturellement pas de nature à réjouir le pouvoir central à Tripoli, d’autant que ces derniers mois la Libye a consolidé son rang de plaque tournante d’un trafic d’armes en plein essor, poussé par l’émergence d’un environnement favorable aux affaires ainsi qu’à une diversification des sources d’approvisionnement et une demande intérieure portée par les milices.

 

Un système judiciaire répressif à l’égard des Tunisiens

Dans une déclaration faite hier lundi 3 juin 2024, le président de l’Observatoire tunisien des droits de l’Homme, Mustapha Abdelkebir, a révélé que le nombre de ressortissants Tunisiens dans les prisons libyennes s’élève désormais à plus de 200, en raison de diverses affaires et inculpations. Abdelkebir explique surtout que qu’un certain nombre d’entre eux auraient déjà purgé leur peine mais n’ont pas été remis en liberté.

Le militant associatif a appelé le procureur général libyen à intervenir d’urgence pour examiner spécifiquement plusieurs cas humanitaires, ainsi qu’à aider à la libération de ces détenus et à faciliter la restitution de leurs passeports qui sont retenus par des les autorités et des employeurs libyens, afin qu’ils puissent rentrer en Tunisie.

Si les dirigeants libyens se sont mis d’accord à la mi-mars 2024 sur la nécessité de former un gouvernement d’union qui encadrera les élections prévues depuis longtemps dans le pays, l’instabilité régionale nourrie par la belligérance russe tend à remettre à plus tard la pacification politique entre factions libyennes, ce qui n’est pas de bon augure en vue d’une grâce ou encore moins d’une amnistie générale.

Entre-temps Washington s’inquiète par ailleurs du fait que Benghazi soit devenu un nouveau hub de la migration clandestine vers les Etats-Unis. Des vols charters en provenance de la capitale de l’Est libyen se sont en effet récemment posés sur l’aéroport de Managua, au Nicaragua. A leur bord, des migrants asiatiques, désireux de rallier les Etats-Unis.

Seif Soudani