En crise politique, l’Algérie également rattrapée par sa crise économique

 En crise politique, l’Algérie également rattrapée par sa crise économique

La crise économique en Algérie plonge une part croissante de la population dans le chômage et la pauvreté, alimentant la grogne sociale, en particulier chez les jeunes

L’Algérie fait face à une montée de la tension sociale qui s’ajoute à la contestation politique. Grèves, chômage et paupérisation, flambée des prix et pénuries de denrées de base alimentent la grogne. La chute de la rente pétrolière et la pandémie ont plongé le pays dans une profonde crise économique.

L’impasse politique perdure depuis le soulèvement populaire du Hirak il y a deux ans. Elle se double d’une grogne sociale et d’une crise économique de plus en plus marquées. La situation économique «  de l’Algérie s’aggrave jour après jour. Elle entraîne la paupérisation de couches entières de la population », souligne Dalia Ghanem, chercheuse au Carnegie Middle East Center. Tous les indicateurs économiques « sont au rouge », résume-t-elle.

Selon le ministre chargé de la Prospective, Mohamed Cherif Benmihoub, la crise sanitaire a causé la perte de « 500 000 emplois minimum ». Et ce n’est pas fini. La récente décision de fermer 16 ports secs (terminaux connectés par route ou par chemin de fer à un port maritime) devrait occasionner la perte de 4 000 emplois directs.

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La fermeture des usines de montage automobile, à la suite d’un scandale tentaculaire de népotisme, et l’arrêt des importations de composants d’appareils électroménagers ont coûté plus de 50 000 emplois en 2020, a reconnu le ministre du Travail, El Hachemi Djaâboub. Le Fonds monétaire international (FMI) évalue à plus de 14 % le taux de chômage.

« La question sociale, absente lors de la première vague du Hirak en 2019, se greffe à la contestation politique », relève Dalia Ghanem.

 

Pénuries et inflations encore plus cruelles

En cette fin avril, au mécontentement social se mêlent les maux habituels du mois de jeûne du ramadan. Les habituelles pénuries et explosions des prix organisées par des spéculateurs n’ont pas épargné les Algériens cette année.

Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux doivent se serrer la ceinture comme rarement auparavant. De plus en plus de familles en situation de précarité ne trouvent réconfort qu’auprès d’associations de bienfaisance. Nombre d’entre elles distribuent gratuitement des produits de première nécessité aux plus démunis.

Devant l’inflation du prix de la pomme de terre, vendue 100 dinars (0,62 euro) le kilo, les autorités ont dû déstocker d’importantes quantités de cette fécule de base. Elles tentent de de permettre aux Algériens de s’approvisionner à moins de 50 dinars le kilo.

Interrogé par des médias locaux, l’économiste Boubekeur Salami rappelle que « des lois existent mais ne sont pas appliquées ». L’absence de « contrôle et de mesures dissuasives à l’encontre des fraudeurs favorisent la spéculation ».

 

Salaire minimum de 125 €

Le président de l’Association de protection du consommateur (APOCE), Mustapha Zebdi, plaide ainsi pour une « régulation du marché », afin de « diversifier l’économie ». Seul moyen de surmonter durablement la crise économique que vit l’Alégérie.

« La gravité de la situation se mesure à l’incapacité des gouvernants à juguler l’inflation, à stabiliser la monnaie nationale et à sauvegarder l’emploi et le pouvoir d’achat des citoyens, » a accusé le Front des forces socialistes (FFS), doyen de l’opposition. Les problèmes sociaux alimentent les débats au moment où se profilent les élections législatives anticipées convoquées par le président Abdelmadjid Tebboune.

En Algérie, le salaire national minimum garanti (SNMG) stagne à 20 000 dinars (un peu plus de 125 euros). La Confédération des syndicats algériens (CSA) considère qu’un salaire minimum décent devrait atteindre quatre fois plus. Mais comment préserver le pouvoir d’achat avec un dinar qui ne cesse de se déprécier ?

« Si le gouvernement fait le choix d’une dévaluation en dehors d’une politique économique réfléchie, cela risque d’avoir des conséquences fâcheuses sur le pouvoir d’achat des citoyens », avertit l’économiste Mansour Kedidir.