Un Français, en vacances en famille, expulsé à vie de Dubaï
Quelques heures après son retour de Dubaï, dimanche 5 février, Mohamed Moussaoui, un Français de 39 ans, domicilié à Champigny sur Marne (94), a encore du mal à réaliser ce qui lui est arrivé. Il a été expulsé de l'Emirat pour un motif flou "d'atteinte à la sécurité " sans jamais n'avoir pu obtenir plus de détails. Ce fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, inconnu des services de police – "sinon je ne pourrais pas travailler à la préfecture", précise-t-il d'emblée pour enlever toute suspicion à son égard – a décidé de se battre, indigné par une telle injustice.
Tout commence ce vendredi 3 février. La famille Moussaoui, Mohamed, sa femme et ses deux enfants, son fils de 12 ans, sa fille de 7 ans, embarquent heureux de Roissy pour Amsterdam où ils doivent par la suite prendre un autre avion pour Dubaï.
"Ma femme est italienne et mes enfants étaient persuadés qu'on allait dans le village de leur mère, un petit coin perdu dans les hauteurs de Parme", raconte Mohamed. "On voulait leur faire la surprise en leur annonçant seulement dans l'avion qu'on allait à Dubaï".
Dix jours de vacances. Coût du voyage : 3000 euros. Les Moussaoui arrivent sur place à minuit. Comme tout le monde, avant de pouvoir récupérer leurs bagages, ils doivent passer par la douane. "L'agent a rendu très vite les passeports à ma femme et à mes deux enfants en leur disant qu'ils pouvaient y aller, mais elle a gardé le mien et m'a demandé d'attendre sur le côté", explique Mohamed. "Puis, elle a appelé quelqu'un et la minute d'après, un responsable a débarqué", continue-t-il.
Mohamed est alors emmené dans un bureau, où libre de ses mouvements, "ils ne m'ont même pas fouillé", précise-t-il, il apprend, qu'il est interdit d'entrée de territoire. "L'officier m'a dit : "ce n'est pas la peine de revenir dans quelques jours puisque vous êtes banni à vie", détaille Mohamed. Sous le choc, il tente de connaître le motif. "Le policier ne le connaissait pas", relate-t-il. "J'explique que je suis fonctionnaire au ministère de l'intérieur de l'État français. Je présente même ma carte. Rien n'y fait : les officiers campent sur leurs positions".
Pourtant, ce n'est pas la première fois que les Moussaoui vont à Dubaï en vacances. "Au moins la cinquième !", s'exclame le jeune homme. "Nous n'avons jamais eu aucun problème", souffle dépité Mohamed, étonné de la tournure des événements.
Pas encore au courant de la mésaventure de son mari, croyant juste à une simple formalité et pour pouvoir gagner du temps, sa femme et ses enfants partent récupérer les bagages. Ils apprennent alors la mauvaise nouvelle. Les douaniers finissent par les autoriser à rejoindre Mohamed. "Ma famille voulait revenir avec moi à Paris. Pour eux, on était venu à quatre, on devait repartir à quatre", se souvient – il. "Mais je les ai convaincus de rester à Dubaï. D'abord parce que l'hôtel était payé et parce qu'on a appris que s'ils voulaient rentrer en France en ma compagnie, ils allaient devoir débourser 900 euros par billet".
Pour le fils de Mohamed, c'en est trop. "Il a fondu en larmes. Il ne voulait pas me quitter", dit écoeuré Mohamed.
Il est 4h du matin et Mohamed se retrouve alors seul. "J'ai appelé le consulat français à Dubaï qui m'a redirigé vers le vice-consul. Il n'était pas au courant de mon cas mais il n'était pas pour autant étonné. Il m'a dit que de plus en plus de ressortissants français d'origine maghrébine étaient refoulés mais qu'il ne pouvait rien faire puisqu'il s'agissait d'un état souverain".
Pendant tout le temps d'attente au bureau de l'immigration, Mohamed se rend compte qu'au "moins la moitié des passagers soumis à des contrôles identiques au mien, étaient des Français d'origine maghrébine".
Deux heures plus tard, il est emmené vers la zone d'embarquement où il apprend que le prochain vol pour Paris avec Air France…n'est que pour le lendemain matin (à 1h30). "J'avais la possibilité de prendre un avion plus tôt mais seulement si j'acceptais de payer le billet".
Il est 9h. Épuisé, Mohamed loue pour deux heures une minie-chambre à l'aéroport. "40 euros à ma charge", peste le trentenaire. Après, il déambule toute la journée dans la zone d'embarquement où à aucun moment on ne lui propose à boire ou à manger. Mohamed embarquera comme prévu dimanche matin à 1h30 avec le vol Air France AF0655. "Je suis resté 25 heures dans cet aéroport", dit énervé le jeune homme.
De retour à Paris, Mohamed ne décolère toujours pas. Ces vacances qu'il attendait depuis longtemps se sont transformées en cauchemar. "Mes enfants sont tellement tristes. Ils veulent revenir à Paris", répète-t-il.
"En France, il y a beaucoup de reportages à la télé qui font la promotion du tourisme à Dubaï, mais l'envers du décor n'est jamais dévoilé. Ils peuvent à leur guise expulser des ressortissants français", accuse Mohamed.
"En tant qu'agent français du ministère de l'Interieur, je combats tous les jours dans mes activités, le terrorisme et ses risques et pourtant, c'est moi qui ai été expulsé", dit-il encore ironiquement.
Fort de son innocence, Mohamed Moussaoui ne va pas en rester là. "Je vais prévenir mon patron, et son responsable direct: le ministre de l'Intérieur français", menace-t-il. "J'espère que le ministère des Affaires étrangères, déjà informé par le consul général de Dubaï fera quelque chose".
"Je souhaite connaître le motif exact du refus de mon entrée sur leur territoire. Car si je représente vraiment une menace pour leur sécurité, leur excès de zèle n'a pas été suivi d'effet", raille encore Mohamed, très remonté. "Aucune question ne m'a été posée. Je n'ai jamais été fouillé, ni contrôlé".
Le jeune homme espère aussi obtenir des excuses et le remboursement intégral de son voyage, hôtel, billets d'avion, ainsi que tous ses frais de restauration et ses communications téléphoniques vers le consulat des Emirats arabes unis en France. "Déjà par principe, parce que je déteste l'injustice mais aussi pour toutes celles et ceux à qui cela est arrivé et qui n'ont pas osé se plaindre", conclut déterminé Mohamed.
Joint au téléphone, le ministère français des Affaires étrangères n'a toujours pas donné suite à notre demande d'interview.
Nadir Dendoune