Émeutes. La France de Macron
On peut regretter que la mort du jeune Nahel soit instrumentalisée par le régime algérien pour régler ses comptes avec la France de Macron, on peut aussi voir dans les articles de la presse marocaine des relents de vengeance, voire de revanche envers la France méprisante d’Emanuel Macron, mais qui peut encore nier que cet énième meurtre d’un « arabe » ne serait pas vécu par les intéressés comme une preuve de plus du racisme d’une partie des Français envers les immigrés maghrébins ?
Surtout quand l’un des incendiaires en chef, Eric Zemmour, pour ne pas le nommer, est autorisé à s’exprimer à la télévision pour exprimer la haine sans que personne ne lui demande de se taire, lui qui explique que les émeutes explosent à cause de l’immigration en France puisque selon le trublion de l’extrême droite : « Depuis 20 ou 30 ans, nous n’avons cessé de recevoir des centaines de milliers de personnes venues du Maghreb et d’Afrique. Ces gens-là ont fait souche, ont fait des enfants, ont fait des jeunes et aujourd’hui, ils sont en nombre incalculable ».
Surtout quand cette même droite pure et dure, se saigne aux quatre veines pour remplir une cagnotte censée « récompenser » un policier tueur d’adolescent, avant même que la justice se soit prononcée sur ses véritables intentions. Surtout qu’il ne faut pas croire que les propos du chroniqueur de CNews ne concernent que leur auteur, la parole décomplexée est désormais partout, créant même une fracture au sein des médias, ceux de la gauche qui défendent l’idée que les habitants des banlieues, Français de dernière catégorie et étrangers n’ont pas choisi d’y être parqués, mais l’ont été à cause de politiques foncières de l’urbanisme et du logement, qui souffrent d’un portage politique déficient.
La République accorde à ces zones « quatre fois moins de moyens qu’ailleurs, rapporté au nombre d’habitants », dénonçait déjà en 2021, Jean-Louis Borloo, auteur d’un plan de sauvetage des banlieues, jeté, depuis, à la poubelle par Emmanuel Macron. Alors que la presse de droite ne cesse de répéter que la crise des émeutes est réductible à « une guerre civile aux relents identitaires », dès les premières minutes de ces évènements dramatiques, ces médias n’ont pas hésité à lancer une stratégie d’instrumentalisation et de récupération politique pour pousser l’establishment français à aller plus loin dans la stigmatisation et la répression des « arabes, binationaux, musulmans et autres immigrés ».
Le Figaro du 30 juin, montrait déjà du doigt les véritables responsables du désordre des jeunes désœuvrés des quartiers, des activistes associatifs, Assa Traoré, l’égérie autoproclamée du militantisme anti-policier, auxquels l’éditorialiste a ajouté les élus de La France insoumise.
Alors que « Le Maghreb bashing » est devenu le fonds de commerce essentiel d’une grande partie de la classe politique française, si on ajoute à cela le sentiment de haine vis-à-vis de l’Islam qui s’exprime dans ses manifestations les plus ridicules comme l’interdiction du foulard dans les compétitions sportives, l’encensement des caricatures du prophète ou plus récemment en Suède, la mise en scène grotesque d’un homme brûlant un exemplaire du Coran, livre saint de plus d’un milliard d’individus, tout concourt à penser qu’il s’agit d’une stratégie des plus « diaboliques », pensée pour tirer profit de ces violences urbaines et de la colère populaire qui a émergé dans les banlieues françaises, en faisant porter le chapeau aux communautés étrangères établies sur le sol français.
Le résultat n’est pas réjouissant : aujourd’hui, dans un Etat qui ne jure que par une verticalité du pouvoir coupée de la réalité, il est désormais établi avec la crise des émeutiers que de jeunes mômes (la plupart, Français de souche, aux cheveux blonds et aux yeux bleus) chauffés à blanc par les réseaux sociaux peuvent faire la loi dans un pays sans que la police, ni la gendarmerie n’y trouvent à redire. Le paradoxe Macron, c’est qu’il rame à contre-courant, son « ni-ni », son « entre-deux », aveu d’échec patent (un système autoritaire qui fait preuve sans cesse de faiblesse) est le fait du prince.
Comme l’explique Monique Pinçon-Charlot, jamais dans la Vème République un président n’avait fait preuve d’autant d’arrogance à l’égard de celles et ceux « qui ne sont rien », c’est-à-dire qui ne sont pas de son monde. L’auteur précise sa pensée dans Le méprisant de la république « le mépris des gens ordinaires ostensiblement affiché par Emmanuel Macron n’est pas qu’un trait de caractère, un tempérament personnel. Ce mépris doit être mis en regard de la violence d’une oligarchie qui accapare aujourd’hui tous les pouvoirs et toutes les richesses. Le dédain élyséen rend visible la violence des ultra-riches tout en occultant les logiques sociales (de domination et d’exploitation) qui sont au cœur du capitalisme. En temps normal, les dominants cherchent à euphémiser les hiérarchies sociales. Mais, lorsqu’ils se sentent menacés, comme c’est aujourd’hui le cas, leur violence symbolique s’affiche au grand jour ».
> Sur le même thème :
- Cagnotte pour le policier : plainte de la famille de Nahel
- La facture des violences urbaines
- RSF met en place une hotline pour les journalistes couvrant les révoltes urbaines
- Violences urbaines : Emmanuel Macron consulte à tout-va
- Mort de Nahel. « Il faut arrêter de vous envoyer au casse-pipe, en appelant à l’insurrection »
- Mort de Naël. « Je n’ai pas à me désolidariser ou à être solidaire de mon collègue », Christophe Korell, policier