Elections : Quel cercle républicain ?

 Elections : Quel cercle républicain ?

crédit photo : Ludovic MARIN / AFP

Une confusion plane en France, à la veille du second tour, sur les valeurs de la République. La République et son contraire font cause commune, au moment même où les différents partisans de la République refusent de se reconnaître et de collaborer ensemble face au péril extrémiste.

Visiblement, et au vu du premier tour des élections législatives post-dissolution, le peuple français a du mal à faire la différence entre les « adversaires » et les « ennemis » de la République, si bien que le « cercle républicain » se rétrécit à grande vitesse. On ne sait plus qui est républicain et qui ne l’est pas. C’est la confusion générale. On ne parle pas ici de la « République » par opposition à la monarchie héréditaire, ni de la « République » dans le sens d’un pouvoir élu pour une durée déterminée par le peuple au suffrage universel, mais de la « République » dans son sens originaire, provenant du latin res publica, chose de tous, un sens proche aujourd’hui des valeurs démocratiques comprenant l’attachement à l’intérêt général (de tous), l’alternance au pouvoir, la limitation de pouvoirs, les contre-pouvoirs, le respect des valeurs, les libertés individuelles et publiques, l’Etat de droit, les garanties de justice, le droit de la majorité à gouverner dans le respect des droits de la minorité. C’est ce qu’on appelle souvent dans les discours ou dans les écrits, les « valeurs de la République ». C’est ce qui fait que souvent le mot « République » est souvent confondu aujourd’hui avec « démocratie » dont il a fini par incarner le symbole.

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Sous le régime de Vichy, on considérait que la France a cessé d’être une République. Les partisans du maréchal Pétain pensaient que la soi-disant République avait provoqué la décadence du pays (la chose publique était trop publique à l’ère du national-socialisme). Ils ont donné au régime politique officiel le nom d’ « Etat français » (rien que français et pour les français).

L’histoire se répète. Après les « enragés » de la Révolution de 89, les « collabos » de Pétain, voici venu le temps des « exagérés » du Front National. Le comble, c’est que puisque la République est confondue avec son contraire, il n’y a plus d’ « indulgents » pour freiner les « exagérés » de la République. Le Rassemblement National de Marine Le Pen arrive en tête avec un score de 29,25%. Si on rajoute ses alliés, classés sous l’étiquette « Union de l’extrême droite » (et quelle belle étiquette !), le score s’élève à 33,15%. En deuxième position, on trouve le Nouveau Front Populaire (union de la gauche) avec 27,99%.

Puis les Macronistes, Ensemble, avec 20,04%, relégués à la troisième position, subissant de plein fouet l’impopularité du président Macron, qui s’est avéré peu politique, indéterminé, sans convictions solides, naviguant à vue selon la température du jour, sans repères fixes et dont le sens républicain se réduit à une nébuleuse. D’où les dissensions et les lâchages de ses troupes qui commencent à poindre à l’horizon, dans l’indifférence de Macron, dont la cohabitation semble l’amuser.

Après tout certains de ses prédécesseurs l’ont déjà expérimenté. Pourquoi pas lui ? Sa stratégie consiste à laisser faire le RN et le mettre à l’épreuve pour le conduire à l’impopularité à la veille des élections présidentielles prochaines. Il quittera alors le pouvoir par la grande porte. Cette soi-disant stratégie de la mort, d’un homme perdu, n’est qu’un pari, trop hasardeux. Quant à l’ex- grand parti républicain, sans leadership affirmé, il était déjà à la dérive depuis la première élection de Macron et le procès Pénélope-Fillon. Il récolte aujourd’hui des miettes. Les Républicains et les divers droites totalisent 10,23%. Pire, les Républicains sont aujourd’hui, comme une âme en peine, disséminés et éparpillés. Une partie d’entre-eux a décidé de « collaborer » avec l’extrême- droite (sous la férule d’Eric Ciotti, leur chef désormais contesté par la base), l’autre branche s’est encore rétrécie comme une peau de chagrin.

Il ne faut surtout pas croire que le peuple français est le grand vainqueur de ces élections, même si le taux de participation, 66,71%, est en hausse de 19,2 points par rapport à 2022. Aux dernières législatives, en effet, 47,5% d’électeurs se sont rendus aux urnes au premier tour. Ce peuple, on l’a malmené dans tous les sens. D’une part, il voit des Républicains, gaullistes mêmes, collaborer avec l’extrême- droite en constituant même une alliance de gouvernement avec lui ; d’ autre part, Macronistes et Républicains refusent (en général), parfois résolument, de rejoindre une gauche sous l’emprise de Mélenchon ou de se désister au profit de ses candidats mieux placés qu’eux au second tour. Ils le considèrent aussi extrémiste et aussi agitateur que l’extrême droite, sans doute pour ses positions sur les deux conflits russo-ukrainiens et israélo-palestinien.

Il n’a pas les mêmes penchants que la classe politique officielle, l’intelligentsia et les médias de masse. Et pourtant, la gauche professe le républicanisme à sa manière. La gauche elle-même est partagée entre « enragés » et « indulgents ». Dans les années 1960, certains philosophes politiques français (comme le libéral Raymond Aron) disaient qu’entre le nazisme et le communisme, ils choisiraient sans hésitation le communisme. Les valeurs de ce dernier (en dépit du despotisme inhérent à ce régime) sont plus universelles que les valeurs du premier (raciste et discriminatoire). Aujourd’hui, classe politique, médias et peuple français ne font plus la même distinction. C’est le « ni ni » qui l’emporte. Un « ni ni » profitable à l’extrême droite, même si une partie du Nouveau Front Populaire ne semble pas portée non plus, dans cette ambiance générale, vers la collaboration avec les Macronistes, contre lesquels ils se sont opposés férocement depuis sept ans.

La question reste posée : quel cercle républicain en France ?