Frappes russes, Nobel du quartet tunisien… Les inepties des chroniqueurs égyptiens
Inspiré du format américain des monologues de vedettes TV, le paysage audiovisuel égyptien fait la part belle ces dernières années à des idéologues, souvent provocateurs, qui depuis le coup d’Etat militaire ont carte blanche pour déployer une propagande pro régime. Cela donne lieu récemment à des sorties particulièrement embarrassantes, comme lorsque le nationaliste Ahmed Moussa confond un jeu vidéo avec des « frappes chirurgicales » russes sur des positions de l’Etat Islamique.
Dans son émission du 12 octobre, l’heure est au mea culpa : « Nous travaillons jusqu’à 10 heures par jour, l’erreur est humaine », regrette Ahmed Moussa, un éradicateur de l. Pour autant, l’erreur est en l’occurrence grotesque.
La veille, pendant 10 longues minutes, le présentateur télé égyptien a en effet montré à l'antenne des images présentées comme celles de récentes frappes russes en Syrie, tout en jubilant : « Laissez-moi vous dire quelque chose sur la Russie. La Russie n'est pas là pour rigoler. L'Amérique était juste en train de jouer, elle n'essayait pas de frapper l'Etat islamique. Si elle a fait quoi que ce soit, c'est soutenir en cachette l'Etat islamique, le financer et l'armer. Mais les Russes l'ont fait. Oui, c'est l'armée russe, c'est ça l'armement russe, c'est Poutine. Eux, ils ne font pas dans la dentelle contre le terrorisme. Contre Daech et les Frères musulmans, parce que, voyez-vous, c’est la même chose tout ça. Maintenant, vous allez voir une vidéo vraiment terrifiante ».
Sauf que les images datent en fait de cinq ans, a pu déterminer le Washington Post le jour-même, tirées en réalité du jeu vidéo Apache Air Assault, et postées en 2010 par le chanel Youtube Battlefield 2 MC3. Depuis l’homme est la risée de la toile mondiale, de Libération à CNN, en passant par Twitter qui s’en donne à cœur joie : « Aujourd’hui Ahmed Moussa va nous parler des embouteillages du Caire », peut-on lire sur le réseau social égyptien, qui illustrait cela par des images du jeu Mario Kart.
Autre moment insolite d’anthologie, interrogé sur ce qu’il pense du prix Nobel de la paix décerné au quartet tunisien du dialogue national, le général Houssem Souilem, intervenant régulier dans un talk-show similaire, s’est exclamé : « Je ne la connais pas cette quartet, je ne sais pas qui est cette femme, mais si elle a accompli des choses… », avant de se voir corrigé par l’animatrice, mais de continuer dans sa fuite en avant : « de toute façon, tout ça, les révolutions arabes, la révolution du Jasmin, c’est fomenté par Freedom House et les Etats-Unis… Un grand moment de télévision, gageons que ce ne sera pas le dernier.
Seif Soudani